Elle est partie sans faire beaucoup de bruit ce mardi matin. Elle allait bientôt fêter ses 97 ans. Je regrette de ne plus lui avoir rendu visite depuis son dernier anniversaire. Mais depuis son placement en maison de repos, elle a décliné lentement et la relation joyeuse que nous avions avec elle s'est lentement dégradée et l'absence de reconnaissance mutuelle nous a petit à petit détachés l'une des autres.
Je veux garder d'elle mes souvenirs d'enfants:
- la saison des foins dans les champs où elle m'emmenait lorsqu'elle partait aider un voisin fermier à rassembler les foins à la fourche (j'ai l'impression d'être un dinosaure quand je repense à ça), s'asseoir sur le sol hérissé de fétus de paille qui font mal aux fesses citadines délicates et savourer une tartine de confiture aux groseilles en guise de goûter sous un soleil de plomb;
- les crèpes dont elle préparait la pâte à la bière, ce qui leur donnait un goût unique que je n'ai jamais retrouvé ailleurs;
- la bière brune Piedboeuf qu'elle nous servait parcimonieusement et que je n'avais pas l'occasion de boire ailleurs;
- les grosses miches de pain qu'on n'entamait jamais sans avoir tracé une croix au dos de celles-ci et qu'on tranchait à l'impressionnante machine à couper le pain;
- le beurre salé que j'ai découvert chez elle;
- les "petits livres d'or" pour enfants qu'il n'y avait que chez elle;
- son chat Kiki;
- les poules et les lapins que je pouvais nourrir;
- l'atelier de menuiserie de son mari qui sentait délicieusement bon les copeaux de bois;
- les chambres sous les combles, un peu mystérieuses;
- la crèche à Noël que j'adorais parce qu'elle accueillait de petits anges en papier carton surmonté d'une tête en papier maché et qui donnaient l'impression de chanter des "oh" et des "ah";
- son rire perlé;
- les chapelets avant d'aller dormir, le gros grain pour le Notre Père et les dix petits grains pour les dix Je vous salue Marie;
- la statuette du Sacré Coeur sur la cheminée qui m'effrayait à pointer du doigt son coeur sanglant bardé d'épines;
- les tasses comme en opaline, roses, bleues, ocres; les petits verres taillés pour l'apéritif des jours de fête;
Ces petits riens du tout qui font le bonheur d'un enfant.
Je ne suis pas très inspirée dans ces circonstances, mais je t'embrasse bien fort.
Rédigé par : isa | 04 mars 2010 à 23:03
Moi aussi je t'embrasse. Bel moisson de souvenirs qu'elle t'a laissé là.
Rédigé par : ms | 05 mars 2010 à 08:30
Elle t'as laissé le plus inaltérable... de beaux et doux souvenirs.
Plein de pensées pour toi. BIZ
Rédigé par : liaht | 05 mars 2010 à 10:08
Oups... "t'a" sans s bien sûr !
Rédigé par : liaht | 05 mars 2010 à 10:09
Malgré un départ effiloché, elle vit toujours avec toi dans toutes ces images vivantes et si belles. Tant de moments bénis et uniques que seule une grand-mère peut partager avec sa descendance, ces objets et ces coutumes désuètes qui prennent tout leur sens lorsqu'ils émanent d'elle... Garde-les bien au chaud contre toi, ils te protégeront comme elle l'a fait avec toi.
ah et ces livres je les connais si bien, réminiscence quand tu nous tiens...
Rédigé par : delphine | 05 mars 2010 à 22:23
Myo, c'est très beau ce que tu écris, je peux à peine voir mon clavier à travers mes larmes: que d'émotion, à l'évocation de cette chère disparue qui ressemble tant à ma chère grand mère...et revoir tous ces livres qui ont bercé mon enfance (exactement cette collection, m'a fait fondre comme une madeleine.
C'est le billet le plus émouvant que j'ai lu ce soir.
Rédigé par : celestine | 05 mars 2010 à 22:48
un bel hommage..
qui me rappelle aussi ma grand-mêre...
bisous
Rédigé par : co de contes | 06 mars 2010 à 08:03
Eh bien moi aussi j'ai senti son départ avec des yeux voilés d'émotion, à cette gentille dame qui a quitté la vie!
C'est tant tu as mis d'amour à retrouver ces souvenirs d'elle, la vrai, la vaillante, la rieuse, la femme qui a laissé sa trace. Celle qui vient de partir, elle était sur le quai depuis longtemps, n'attendant plus que le train s'arrête. Elle vous avait dit adieu à tous, sauf que vous ne le saviez pas encore...
Rédigé par : Edmée De Xhavée | 06 mars 2010 à 16:45
Tendres pensées à toi.
C'est fou, quand on y pense, toutes les choses qu'ont vues ces presque centenaires...
Rédigé par : verveinecitron | 07 mars 2010 à 21:21
Merci à toutes.
Lors de l'enterrement ce samedi, j'ai cru que le curé avait lu mon blog pour s'inspirer pour son homélie tellement les souvenirs que j'en ai sont aussi ce qu'elle représente pour les autres :-)
Rédigé par : myosotis | 07 mars 2010 à 21:41
Bravo pour ces articles très touchants consacrés à ta tante.
Rédigé par : Un petit Belge | 13 mars 2010 à 16:14