Nuages et feuilles, d'Akemi Noguchi, 2005, Manière noire
J'ai vu tant de belles choses ces dernières semaines que je ne résiste pas au plaisir de les partager.
Un opéra de Carl Maria von Weber, Der Freischütz, premier opéra en allemand. Rien à voir avec le romantisme allemand à la Wagner. C'est très joyeux, même si l'intrigue n'est pas légère puisqu'il s'agit d'un thème très faustien du don de son âme au diable, mais même si les airs sont incroyablement gais comme chez Verdi - qui n'a pas son pareil pour chanter l'horreur, le drame et la tragédie sur un ton on ne peut plus guilleret - (genre Murat dirait: "Ah je ris de me voir si blanc dans cette baignoire...."), au moins ici le rideau tombe sur un happy end. Et cerise sur le gâteau ou boule de cristal sur le dos de la main, la prestation totalement magnifique de Clément Dazin, jongleur, danseur, circassien, dans le rôle du Diable.
Une pièce de théâtre adaptée de 1984 de George Orwell. Une adaptation super bien montée qui fait froid dans le temps. Incroyable comme ce roman écrit en 1948 était si visionnaire et à quel point la réalité a dépassé la fiction. Quand j'ai lu le livre il y a plus de 30 ans, je n'ai pas été particulièrement impressionnée mais là, 3 décennies plus tard, j'étais presque terrorisée à l'idée de cette intrusion dans notre vie. Bon, ce n'est pas comme si je ne le savais pas, je suis consciente de m'exposer - peu mais toujours trop - sur les réseaux sociaux, je connais - un peu mais pas assez - les rouages parfaitement huilés qui font tourner la machine, les algorithmes qui rythment nos vies virtuelles, mais là, c'était plutôt flippant.
Otello de Verdi à Viva l'opéra avec un de mes ténors chouchous, Jonas Kauffmann. Trois heures à l'écouter, trois heures à le regarder surtout, je deviens une midinette du troisième âge. Comme m'a dit récemment un collègue assez jeune, au sortir d'un quintuple pontage, le plus étrange est d'avoir un cerveau de gamin(e) dans un corps de senior. Et ce stupide Otello que j'ai toujours tendance à considérer comme un imbécile fini a pris sous ses traits et par son jeu scénique une dimension plus humaine, me donnant à considérer la jalousie comme une maladie dont souffre vraiment le vilain jaloux plutôt que comme une tare insupportable à vivre pour les victimes de ce sentiment.
Ce qui arrive: Une pièce très originale en ce qu'elle est l'adaptation très fidèle d'un roman graphique américain écrit il y a une dizaine d'années par Richard Mc Guire, Here. Le concept du roman est déjà très particulier. Chaque planche présente un même lieu mais des personnages habitant ce lieu à des moments différents et sans réelle chronologie. Il s'agit en majeure partie de la même maison où se suivent plusieurs générations. La transcription de ce roman graphique en pièce de théâtre est un véritable succès et j'ai adoré ces scènes de famille en va-et-vient incessants qui nous renvoyaient à notre propre histoire de tribu familiale avec les références musicales, vestimentaires, comportementales et autres qui s'imposent. Un bijou.
Un livre à faire circuler absolument: Le garçon de Marcus Malte. Pas tant pour l'histoire que pour l'écriture magistrale, une pépite vraiment. J'ai au moins appris une centaine de mots nouveaux dans ce livre, tous utilisés avec un à-propos incroyable. Je ne m'attendais pas à ça, sachant que la collègue qui me l'a passé n'est pas à proprement parler la reine de l'éloquence. Mes bêtes préjugés non maîtrisés en ont pris un coup et je me suis bien flagellée mentalement.
LUCA: La meilleure pièce de l'année selon moi. L.U.C.A. signifie Last Universal Common Ancestor. Deux petit-fils d'Italiens immigrés dans les années 50-60 revisitent de manière génialogique la problématique des origines et se trouvent un L.U.C.A.dans les montagnes de Zagros en Iran. Sorte de documentaire joyeux et sérieux à la fois qui aborde aussi l'incroyable refus de ces anciens immigrés de considérer les migrants d'aujourd'hui dans une situation similaire à la leur. A voir et revoir.