La vie reprend doucement mais il me faut souffler sur les braises.
Je l'ai dit, rien ne pouvait me rendre plus heureuse que de retrouver les enfants en tribu. Et j'aurais bien tort de me plaindre.
Mais dans la vie quotidienne, quelque chose est cassé. Un peu comme si j'avais perdu l'envie.
Certains parlent du syndrome de l'escargot, cette timidité à sortir de sa coquille. Ce que je ressens ne doit pas être très éloigné de cela. Bien sûr, j'ai ragé, tempêté, surcolérer d'être enfermée, privée de liberté. Alors pourquoi aujourd'hui me manque-t-il l'énergie pour sortir ?
Je n'ai pas la pêche pour pour le shopping, on s'est bien débrouillés en ligne jusqu'ici.
J'ai beaucoup marché et cela me convient si ce n'est que je perds beaucoup de temps et que je ferais beaucoup plus si je m'autorisais les trajets en métro.
Je voudrais reprendre les activités sportives mais sans la douche et les toilettes, c'est beaucoup moins drôle.
Les amis me manquent mais quelque chose aussi me retient de les voir, quelque chose d'indéfinissable.
Ce qui se dessine de plus en plus nettement, c'est mon envie d'arrêter de travailler. Ce qui m'en empêche vraiment, c'est mon autre envie de profiter pendant encore quelques années de Venise et de vacances en tribu. Ces plaisirs là ont un coût que la retraite n'assumera probablement pas.
J'ai l'impression néanmoins que le confinement m'a fait prendre dix ans. En trois mois, la petite bouée de piscine que j'avais autour de la taille s'est transformée en bonne bouée de sauvetage de ferry à la dérive. Déjà, retrouver l'envie avec ce lest, c'est pas gagné.
Et l'immobilisme physique et psychologique pèse aussi sur mes épaules et me fait plutôt courber le dos que redresser la tête.
Alors oui, il est temps de souffler sur les quelques braises qui survivent encore pour ranimer la flamme du feu follet et éteindre la flemme qui me consume.