Bienvenue ma Lémoni chérie dans ce monde bizarre. Comme Samuel ton cousin, les premiers visages que tu n'auras heureusement que perçus plutôt que vus, auront été masqués. Si un jour ta maman te montre la première photo que ton papa aura faite de toi dans un câlin peau à peau avec elle, tu la verras avec le masque sur le menton. Drôle de barbichette pour un drôle de bal.
Si on m'avait dit un jour que deux de mes petits-enfants verraient le jour en pleine pandémie, j'aurais été terrifiée. Et pourtant non, le bonheur de ces naissances reste intact.
Tu es belle comme un coeur et tu es encore plus zen que ta maman bébé. Elle-même a dû mal y croire, tant elle a vécu ces neuf mois en mode stress. Il faut croire que tu n'as rien d'une éponge. Ou que neuf mois passés en télétravail sont finalement bénéfiques si l'on exclut la période où il a fallu cumuler à la maison boulot-école-cantine-garderie et plus si affinités.
Il faudra quand même qu'on te raconte, ma poupée jolie, que ta maman a dû partir à la maternité en pleine nuit et que bien entendu, Nonno et moi avons bravé le couvre-feu pour venir garder ta grande soeur. Et que bien entendu, la surréaliste maréchaussée bruxelloise n'a pas manqué de nous remarquer, nous les deux sexagénaires masqués seuls dans la ville. Et que bien entendu, elle n'a pas voulu accepter notre excuse on ne peut plus valable - mais peut-être pas prévue dans leur liste ad hoc - pour contrevenir à la règle. Dans un dernier sursaut de bon sens - ou peut-être l'information ayant enfin trouvé le neurone assoupi -, l'agent fatigué nous a accordé un laisser-passer jusqu'à ta future maison.
Tu peux être sûre, ma Lémoni, que l'âge aidant, on te resservira l'histoire à chaque anniversaire, mais si jamais Alzheimer nous rattrape avant ou si, pire encore, tous les anniversaires à venir seront limités à deux participants maximum, il te restera ce billet pour te souvenir de l'anecdote.