Lundi: On part tôt le matin pour terminer l'installation des lits superposés pour accueillir 5 pioux sur sept à Pâques. Les deux dernières dormiront encore avec leurs parents. On élague vite un des figuiers avant que la sève ne monte trop. Je change les draps d'à peu près tout le monde et les embarque pour les laver à Bruxelles, histoire d'avoir des draps propres et secs pour tous. Hop hop hop un passage chez le fermier et au supermarché en vue de la visite des amis demain et on repart fissa sur Bruxelles où une préparation de la réunion des copropriétaires nous attend chez les voisins.
Mardi: Les amis arrivent de Bourgogne pour trois jours. Pur bonheur de les retrouver. On parle à bâtons rompus sans discontinuer et tout est intéressant dans ce qu'ils nous partagent. Ce qui m'a émue ce sont les récits de famille que Martine m'a partagés. La grand-mère algérienne, naturalisée Française et même rebaptisée d'un prénom bien français français et dont personne de ses petits enfants n'a soupçonné la nationalité avant un âge adulte avancé. Alors qu'elle se faisait appelé Mamouna et préparait si bien la tchatchouka. L'arrière-grand père déposé dans une tour d'abandon, appelée chez nous "boîte à bébés" et dont Martine a fini par retrouver la trace généalogique. Toutes ces histoires de vie méconnues qui sont imprimées dans vos gênes et qu'on ne soupçonne même pas.
Mercredi: Il fait un magnifique soleil, premier jour de vrai printemps. C'est idéal pour emmener ces amis visiter Bruxelles. On les emmène au Sablon, à la Grand Place, dans les Marolles, place du Jeu de Balle où se tient le marché aux puces tous les jours de l'année. On leur fait découvrir la cuisine typique bruxelloise au Stekerlapatte, vieux bistrot bruxellois dans le quartier des Marolles. On remonte vers le Palais de Justice, le Mont des Arts et on termine la journée devant une pasta alla Norma et un bon verre de vin. Gérard m'a offert des cordes de guitare qu'il a montées et qu'il a ensuite accordées. Il m'a redonné l'envie d'apprendre à jouer de cette guitare, cadeau de mes 20 ans que je n'ai jamais exploité.
Jeudi: On abandonne les amis pour la matinée pour aller à l'enterrement de l'oncle de Kerya, parti trop vite et trop bêtement. Une intervention chirurgicale sur les vertèbres cervicales est a priori sans danger et tout le monde l'a encouragé à le faire. Et deux jours après, il fait une hémorragie et part en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Toute la famille est atterrée et incrédule. J'aimais bien ce monsieur qu'on rencontrait aux fêtes d'anniversaire. Ce que je ne savais pas et qu'on nous a appris pendant la cérémonie d'adieu, c'est qu'il avait quitté le Cambodge avec femme et enfants pour fuir le régime de Pol Pot et les Khmers Rouges et se réfugier dans un camp en Thaïlande avant d'atterrir en Belgique et que dans ce camp, ils ont perdu une petite fille de 5 ans, de faim et de froid.
Vendredi: Les amis nous quittent. L'Homme retrouve un ancien collègue pour le déjeuner et moi je rattrape mon repassage avant de partir chez l'orthopédiste pour ma première infiltration au genou. Même pas mal. Anaïs m'avait pourtant laissé entendre que c'était très douloureux. Sans doute un orthopédiste n'est pas l'autre. Ou la fille serait plus douillette que la mère ? Mais ça, ça m'étonnerait. Le soir, spectacle à La Monnaie, première partie: Rivoluzione. Mai 68 à Paris et en Italie.
Samedi: Deuxième partie: Nostalgia. Que sont devenus en 2000 tous ceux qui se sont battus en mai 68, lutte armée ou lutte non violente. La plupart du temps, ils se sont rangés vers plus de confort. Leurs vies racontées pendant ces 5 heures de spectacle cumulées me laissent beaucoup de questions. Que laissons-nous à la postérité finalement ?
Dimanche: Dîner gastronomique avec les ex-collègues de l'Homme. Dix couples autour de la table pendant 7 heures et toujours des histoires de la vie des autres. Celle à qui on a détecté un cancer du sein depuis la dernière fois que l'on s'est vues, celui qui attend un rein depuis deux ans, celle qui a perdu un beau-frère étouffé avec un petit bout de jambon, celle qui passe son examen de piano mardi, des petits bouts de vie comme j'aime les écouter.
Les rencontres dans la vie sont comme le vent, certaines vous effleurent juste la peau, d'autres vous renversent.