Il y a très très longtemps, j'ai donné cours d'anglais à des adultes. Un des cours que j'ai préféré portait sur le thème des expressions porte-bonheur. Depuis je me suis amusée régulièrement à comparer les expressions dans les différentes de langue (du moins celles que je connais peu ou prou). Et c'est toujours woaw de comparer, d'autant que souvent le geste d'accompagnement varie selon les langues:
Les Américains "knock on wood" (toc toc) tandis que nous et les Espagnols le touchons seulement (souvent même on l'agrippe pour plus de sûreté). Les Italiens touchent plus solide, toccano ferro; les Néerlandais touchent aussi du bois, mais tant qu'à faire, c'est mieux si c'est du chêne, du saule ou du pommier.
Nous croisons les doigts alors que les Anglais les gardent croisés, à croire que c'est leur position permanente.
Nous sommes nombreux à craindre le vendredi 13, Anglais, Allemands, Polonais et Portugais. Mais les Italiens n'en ont cure, eux c'est le "venerdi 17" qui les panique. Et curieusement, les Espagnols et les Grecs redoutent le mardi 13.
J'ai à ce sujet appris un très joli mot: la paraskevidékatriaphobie, la peur du vendredi 13.
Renverser une salière, pour les Anglais, cela augure d'une dispute dans le courant de la journée. En Italie, pareil que ce soit du sel ou de l'huile. Et si l'on renverse du poivre, on se dispute même avec son meilleur ami.
Briser un miroir apporte 7 ans de malheur. Mais certains parviennent à conjurer ce sort en enterrant les éclats de verre au clair de lune. Pour ceux qui sont trop paresseux, on peut aussi laisser là tous les débris pendant 7 heures puis tout ramasser immédiatement après.
Croiser un chat noir nous fait frémir tout autant que les Espagnols, les Portugais ou les Italiens. Mais il fait le bonheur des Anglais. Par contre, ne leur parlez pas de chat blanc ! Mais si le même chat noir entre dans la maison d'un Portugais, il lui annonce des rentrées d'argent...
Passer sous une échelle porte malheur partout. Mais les Anglais conjurent le sort en croisant les doigts jusqu'à rencontrer un chien. Alternativement, ils crachent sur leurs chaussures et continuent à marcher sans avoir le droit de regarder leurs chaussures tant que leur crachouillis n'est pas sec.
Le trèfle à 4 feuilles porte chance dans tous les pays.
Ouvrir un parapluie à l'intérieur d'une maison française, sous un toit espagnol, porte malheur. Mais chez les Néerlandais, l'ouvrir même dehors alors qu'il fait beau, cela porte également malheur.
Pour que le fer-à-cheval porte bonheur, il faut qu'il soit posé ou accroché l'ouverture vers le haut, « pour que le bonheur ne tombe pas » ! Il faut également qu'il soit trouvé par hasard sur la route, et de préférence encore muni de ses clous. Mais au Portugal, c'est le balai qu'il convient de poser la tête en bas derrière la porte pour éviter les visites indésirables.
Le nez qui chatouille les Français est signe que l'on pense à eux. Les Italiens y voient une envie de dispute et les Néerlandais n'y voient qu'un porte bonheur. Par contre, si l'oreille d'un Portugais siffle subitement, c'est que quelqu'un parle mal de lui. Dans ce cas, il lui suffit de prononcer le nom des suspects pour cesser le sifflement. Pour augmenter l'efficacité de la contre-attaque, se mordre l'auriculaire de la main gauche, le suspect se mordra la langue.
Mais les champions du n'importe quoi ce sont tout de même les Néerlandais: chez eux, cela porte malheur de couper ses ongles le dimanche, on sera malade le dimanche suivant; de se peigner dans l'obscurité, de laver des vêtements avant de les avoir portés, d'emmener son chat lorsqu'on déménage; j'en passe et des meilleures. Chez eux, cela porte au contraire bonheur de chanter avant le petit déjeuner, de voir une souris blanche, de manger une crêpe, de recevoir un caca de pigeon sur la tête ou d'entendre chanter un rossignol. La poésie est partout.
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