Depuis toujours je souffre du syndrome de la porte fermée. Au propre, certainement; au figuré, surtout. Je ne supporte pas de fermer la porte, de tourner la page.
Quitter les lieux représente pour moi une souffrance exagérée, un deuil de ce qui ne sera plus jamais.
J'ai eu la chance de faire toute ma scolarité au même endroit. Je n'ai connu le désarroi des premiers adieux qu'à 18 ans où j'ai pleuré à chaudes larmes l'adieu à l'école. Plus encore peut-être que les étudiantes, les professeurs ou les religieuses qui m'avaient accompagnée pendant douze ans, j'ai pleuré les murs de MON école.
Par chance aussi, mes parents n'ont déménagé que deux fois, me laissant peu de cicatrices à 5 et 10 ans. Quand je me suis mariée (parce que je n'ai quitté le nid qu'à ce moment-là), c'est surtout le nid familial que j'ai eu le regret de quitter mais j'allais vers un avenir qui me semblait bien rose pour être vraiment triste.
Par contre, quitter les lieux de vacances m'a toujours été pénible. Surtout ceux où je sais que je ne reviendrai pas, même si on se rassure toujours en partant en promettant de revenir l'année prochaine. Je fais toujours un dernier tour, seule, de toutes ces pièces que nous avons investi pendant 2 ou 3 semaines et qui sont, au moment du départ, vides de nous. J'ai toujours ces grosses boules de nostalgie dans la gorge, de laisser ces petits bouts de nous, de moi, là.
Quand nous avons quitté Bruxelles pour Turin, j'ai voulu continuer à payer le loyer de l'appartement pendant deux ou trois ans pour être sûre de pouvoir y revenir.
Quand nous avons quitté Turin, j'ai sangloté des heures durant, et cela reste sans doute le plus gros chagrin de ma vie à ce jour. Je ne sais pas vivre les séparations, je ne sais pas fermer les portes.
J'ai vécu les mêmes déchirements presqu'à chaque fois que j'ai quitté un bureau.
Dans une moindre mesure, j'ai toujours un pincement au coeur, chaque fois que je me défais d'un objet, un vêtement qui ne me va plus, qui ne nous convient plus. Ils représentent une partie de moi dont je me sépare. Ne parlons pas des voitures qui sont des extensions de la maison souvent.
Et puis soudain, le week-end dernier, j'ai laissé partir un divan-lit qui nous accompagne depuis Turin, qui avait migré chez les filles et qui avait clairement trop vécu. Je l'ai laissé s'en aller sans un regard, sans lui dire au revoir.
Je grandis, je vous dis.
Il y a des au revoir qui sont plus difficiles que les autres.
Chez moi ce ne sont pas les objets, car lorsque je m'en sépare, c'est qu'il n'y "avait plus rien entre nous"
Mais pour les lieux, je suis comme toi.
Et ne parlons pas de chaque fin d'année scolaire! Maintenant, il faudra aussi que je gère celles de ma fille et l'au revoir déchirant (pour moi, pas pour elle) a la maîtresse qui l'aura accompagnée toute l'année: une semaine pour m'en remettre! Alors je suis soulagée de voir que je ne suis pas la seule à faire du sentimentalisme...
Rédigé par : verveinecitron | 06 juillet 2009 à 11:06
Ah, j'avais oublié cela aussi: l'au revoir à la maîtresse de l'école gardienne des filles m'a arraché des larmes désespérées alors que mes filles restaient stoïques.... Je me sens moins seule, Verveine :-)
Rédigé par : myosotis | 06 juillet 2009 à 22:46
on grandit toute sa vie... j'aime ton histoire. J'apprends moi aussi à me séparer des choses, des lieux. Parfois sans mal, parfois en larmes...
Rédigé par : Emmanuelle | 08 juillet 2009 à 21:57
Moi ce n'est pas l'idée de tourner la page qui m'est difficile mais celle de partir vers quelque chose d'autre, même si ce n'est que pour quelques jours de vacances.
Ainsi pendant 26 je ne me suis jamais occupé de chercher un lieu de vacances et tout ce qui va avec, laissant cela à l'Homme. Et la veille du départ je ne dors pas, complètement paniquée à l'idée d'oublier quelque chose.
Moralité depuis deux ans, durant les grandes vacances je ne pars pas. L'an dernier passe encore, mais cette année j'ai trouvé un nouveau prétexte.
Et ce n'est pas de savoir pourquoi il y a cette hantise (un placement de six mois non préparé, non expliqué aussi bien à l'aller qu'au retour quand j'étais bébé) qui ne console
Rédigé par : @nn@ | 24 juillet 2009 à 11:06