Il y a deux petits cailloux dans mes bienheureuses chaussures. Vous savez, ce genre d'intrus dont on ne sait pas trop comment ils se sont glissés à l'intérieur de votre vie et vous empêchent d'avancer tranquillement. Qui deviennent source de gêne et d'agacement. L'un s'appelle "Réfugiés", l'autre "Sans abris".
D'accord ce sont deux sujets à la mode, on en parle beaucoup, ils laissent rarement indifférent. Mais les uns et les autres habitent littéralement en bas de chez moi.
MS a abordé la question des réfugiés, @nn@ celle des sans abris. Et mon billet dort au fond d'un tiroir depuis 6 mois. Je n'arrive pas à l'écrire. Parce qu'il y a tant à dire, à débattre, tout et son contraire.
Les réfugiés à qui il faut ouvrir les bras, cela semble aller de soi, que nous importent les frontières, les états, la protection des intérêts des indigènes (facile à dire, quand on a un bon boulot, qu'on ne se sent aucunement menacé); les réfugiés qu'au contraire, il faut aider chez eux et non pas chez nous, cela semble logique aussi, les situations économiques, politiques et autres que nous avons en partie créées chez eux et qui les font fuir un pays qu'ils ne voulaient, pour la plupart, ne pas quitter, au même titre que tous les leurs qu'ils laissent derrière eux sans savoir s'ils les reverront.
Les sans abris, à qui j'ouvrirais bien ma maison, salle de bains en premier parce que j'imagine naïvement que c'est ce dont ils auront le plus envie, alors que franchement, ce n'est pas leur préoccupation première, puis un matelas dans le salon - je n'ai pas de chambre d"amis à offrir - mais bon, combien de temps, pourquoi un et pas deux, trois (au-delà j'ai plus de matelas). Et bien sûr, monsieur, madame, vous venez sans votre litron ou votre canette de bière parce que bon, .... Et puis finalement on ne résout rien, il y a plein de choses plus efficaces à faire que d'ouvrir sa maison pour rendre sa dignité à quelqu'un qui l'a complètement perdue. Là, ça me rassure déjà de ne pas mélanger ma vie privée et ma bonne conscience, en vraie petite bourgeoise que je suis. Alors, s'il y a plein de choses plus efficaces à faire, pourquoi suis-je là à écrire un billet pour le dire plutôt que de me bouger les fesses ?
Pourquoi je n'arrive même plus à les regarder dans les yeux alors qu'il y a six mois encore, j'en saluais certains comme mes voisins qu'ils sont, persuadée qu'un bonjour par jour valait peut-être plus qu'une pièce donnée sans regarder.
Enfin, bref, je voudrais que ça bouge et je ne bouge pas, je me sens hypocritement impuissante et faussement démunie. Et pendant ce temps-là, je dors plus ou moins tranquille....
Peut-être que de l'avoir écrit suffira à me faire grandir....
Il y a fort longtemps, j'étais avec mon frère quand nous avons croisé un SDF. Mon frère portait une grande boite de gateaux. Le SDF, sans nous regarder, nous demande une pièce. Je vois mon frère s'agenouiller en face de lui, ouvrir la boite et lui dire de se servir. J'étais horrifiée (vu la saleté du pauvre homme) et j'ai été anéantie de honte face à sa réaction. Il s'est mis à pleurer en disant que cela faisait des années qu'on ne l'avait pas traité en être humain et qu'il ne se servirait pas, il était trop sale. On a discuté un peu avec lui, on a fini par lui donner une grosse poignée de gateaux car il ne voulait toujours pas se servir. Alors, tu sais, ton bonjour doit leur faire du bien, même si il n'est pas matèriel ... Et pour ta conclusion, je suis d'accord avec toi, moi aussi je me sens hypocritement démunie et impuissante ... mais je suis sure qu'en parler n'est pas inutile.
Rédigé par : ms | 07 octobre 2009 à 09:23
Je pense qu'on sera très nombreux à se reconnaitre dans ton billet....
Dans cette impuissance un peu gênée, cette envie de faire quelque chose qui reste au stade du voeu pieux, dans ces fausses bonnes excuses....
Et moi la première ! Qui ai délaissé le rugby pour faire du bénévolat plus "utile", qui ai pris tous les contacts, qui n'ai plus que l'embarras du choix..... Au final, surtout l'embarras de n'avoir encore rien concrétisé....
Oups... j'ai un p'tit goût amer dans le coeur sur ce sujet-là ! Merci pour le coup de pied au cul....
Rédigé par : liaht | 07 octobre 2009 à 11:42
J'ai moi aussi beaucoup réfléchi à cette question et ai modifié mon comportement en deux points: premièrement quand je croise un mendiant, je lui donne toujours une pièce (quand j'en ai), pas pour me donner bonne conscience mais malgré le fait qu'ils risquent bien de le dépenser en bière ou litron de rouge, on ne sait jamais, peut-être que justement celui-là était réellement dans le besoin.(ça fait un peu charité à deux € mais je ça m'est égal: accompagné d'un sourire de fait, ça fait une grande différence et puis je suis très reconnaissante à la personne qui m'a demandé si j'acceptais de rendre visite à des nécessiteux du quartier (généralement des personnes âgées qui sont aussi des pauvres...) et j'ai accepté de démarrer petitement (un peu peur que ma maison soit encore plus reléguée au loin après les enfants, le mari et un job si prenant... ) mais suis si heureuse de cet engagement. C'est à nouveau l'histoire de cette petite goutte qui sans qu'on le sache peut faire la différence.
Chacun donne en fonction de son tempérament et de ses possibilités, non?
Rédigé par : Delphine | 07 octobre 2009 à 17:40
Même culpabilité pour moi. Surtout quand je vois une maman avec son bébé, mon coeur se serre.
Rester polie, même quand on dit non, ne pas détourner la tête honteusement...
Se rendre compte de sa chance, et essayer de s'en souvenir...
Rédigé par : verveinecitron | 07 octobre 2009 à 22:18
J'ai souvent vu mes grands parents ouvrir leurs portes et proposer de menus travaux (jardinage, nettoyage, peinture etc...) en échange du gite et du couvert à ceux qui en avaient besoin. J'ai voulu reproduire, je trouvais que c'était mieux que la charité, mieux que l'argent qui serait bu en cachette. ET puis un jour, "il" m'a répondu que la bouteille le faisait tenir, qu'il ne voulait pas travailler. Alors, je tache de continuer a regarder en face, je remercie le ciel de nous épargner... mais je suis perplexe.
Rédigé par : marion | 08 octobre 2009 à 09:18
Qu'est ce que nous pouvons faire, individuellement, concrètement ? On se pose toutes la question... Delphine agit, moi je me trouve des tas d'excuses pour ne rien faire et toi tu écris un billet qui interpelle... Bien sûr je fais de gros dons de temps à autre et j'offre une tarte aux pommes au mendiant qui sonne (mais je ne le fais pas entrer et j'en ai honte). Mes parents agissent, concrètement. Ils risquent des ennuis pour cela, mais j'envie leur engagement.
Rédigé par : Isa | 08 octobre 2009 à 21:43
MS: Chapeau à ton frère. Une fois, une seule, la veille de Noël, je suis rentrée impulsivement dans une boutique de chocolat et j'ai offert une figurine en chocolat à une dame sans abri. Mais cela ne s'est jamais répété.
Liaht: tu vois, c'est compliqué de se donner des coups de pied au cul à soi-même :-)
Delphine: Franchement, c'est déjà enooorme !
Verveine: les mamans avec bébé, en fait, ça m'énerve. Je pense tout de suite à une arnaque.
Marion: Et bien oui, comme celui qui a refusé le croissant que l'Homme lui offrait en lieu et place d'une pièce. Cela laisse effectivement perplexe.
Isa: raconte-moi ce qu'ils font tes parents. A force de voir ce que les autres font, on finit par trouver un créneau où on se sent plus soi.
Merci à toutes pour vos réactions, bizarrement, elles me font avancer.
Rédigé par : myosotis | 08 octobre 2009 à 22:43