Elle a vexé des amis à elle, moins "anciens", en nous présentant les uns aux autres et en nous désignant comme étant "nos amis de toujours". Elle voulait dire "nos plus anciens amis", ils ont compris "nos vrais amis".
Ils nous ont invité pour 4 jours dans leur appartement à Majorque et on y a retrouvé le temps d'un dîner leurs amis de vacances. Je pense que nous avons réussi à atténuer quelque peu l'antipathie immédiate que son impair avait dû faire naître à notre égard.
Pourtant, elle avait raison, nous sommes leurs amis de toujours. Toujours remonte aux amphithéâtres de l'univ où l'Homme et elle ont passé des heures et des soirées entières à refaire le monde. Et on peut dire qu'ils s'y entendent encore toujours tous les deux à réorganiser virtuellement et verbalement la planète entière.
Puis elle a rencontré son futur chirurgien bricoleur, ravaleur de façades et de larmes de détresse. L'Homme m'a rencontré moi. Et nous ne nous sommes plus vraiment quittés. On s'est mariés deux par deux, à un mois d'intervalle. On a pleuré, prié, espéré ensemble ces bébés qui ne voulaient pas venir. Nos espoirs ont été comblés à un an d'intervalle et tout naturellement elle est devenue la marraine de Maïté et l'Homme est devenu le parrain de leur Caroline. Quatre mois plus tard naissait Anaïs et nos deux fils sont nés en juin et juillet de la même année.
On a fêté des dizaines d'anniversaire ensemble, rivalisé dans la confection des plus beaux gâteaux, passé des mois de dimanche après-midi, l'été dans leur jardin, l'hiver dans nos quatre murs d'appartement.
On a passé tant de vacances à neuf.
Aujourd'hui, de loin en loin, on part en city trip ensemble. Mais l'âge accentue ce qui nous séparait déjà il y a 20 ans. Nous n'avons absolument pas le même rythme. Un peu comme la fable du lièvre et de la tortue revue et corrigée où ce serait le lièvre qui gagnerait la course. C'est le couple le plus rapide de la planète, "dépêche-toi" est leur prière, "vite" leur code secret. J'en ai déjà parlé dans un billet précédent.
Lui organise des voyages extraordinaires, ils ont déjà visité la moitié de la terre et toujours ils nous invitent à les accompagner. Et souvent, nous refusons. D'une part, parce que je pars difficilement en "beau" voyage sans pouvoir le partager avec mes enfants et que forcément, le prix pour cinq n'est pas celui pour deux. Mais d'autre part et surtout parce que le rythme effréné auquel ils visitent un pays est aux antipodes de lenteur Nikonesque de l'Homme-tryclope, doté d'un troisième oeil en mode zoom. Lui ne comprend pas ces arrêts sur image permanents et est totalement incapable de ronger son frein. Du coup, c'est l'Homme qui freine nos escapades communes.
Mais malgré nos divergences de sablier, l'amitié qui nous lie reste indéfectible. Elle est enracinée dans le terreau si riche de nos vingt ans, quand on croyait que le monde nous appartenait et qu'on avait toute la vie devant nous.
Le bogato qu'elle a confectionné pour les 50 ans de l'Homme
Nos voeux réalisés en toute beauté.