J'avais dix-douze ans, je devais faire un exposé sur une région d'Europe, au choix. Je n'ai pas la moindre idée du pourquoi j'ai choisi le Valais. Je n'y connaissais personne, je n'avais jamais mis un pied en Suisse, je n'avais rien lu qui puisse m'inciter à faire ce choix. Est-ce que la prémonition existe à cet âge-là ? J'étais de toute manière loin d'imaginer qu'une de mes soeurs émigrerait au bord du lac Léman et que j'y passerai une à deux semaines pendant 23 ans. Mes enfants, l'un après l'autre, y ont passé leur(s) première(s) semaine(s) de vacances - Quentin n'avait d'ailleurs que 4 semaines -, nous avons profité de mes parents pendant ces 23 ans, petit retour aux soins maternels le temps de se rappeler à quel point il est bon d'être enfant, de mon grand-père aussi pendant 10 ans, au grand plaisir des enfants.
23 ans de plaisirs renouvelés auxquels a mis fin la combinaison de la vente de l'appartement loué - toujours le même - à d'autres propriétaires et le désir d'autre de chose de mes parents. Difficile de leur en vouloir, nous n'avons nous-mêmes jamais offert à nos enfants le bonheur simple d'une "maison de vacances". Nous avons toujours préféré changer chaque année de destination, découvrir d'autres horizons, ne pas se donner les contraintes de la seconde résidence ou se créer une routine familière en retournant systématiquement au même endroit. Facile, les parents l'ont fait pour nous. Les deux formules ont leurs avantages et leurs inconvénients. Rien ne remplace les souvenirs communs accumulés au même endroit mais la rupture avec ces madeleines-là est d'autant plus pénible.
Cet été, en retraversant les Alpes, nous sommes forcément passés au pied de l'Ardevaz et il a fallu se concentrer sur la route pour ne pas pleurer.
Pour nous aider à passer le cap, j'ai fait la liste de tous les petits cadeaux dont nous avons rempli nos valises au cours des deux décennies passées:
- la montée vers la station, la plupart du temps avec la musique à fond, dernière ligne droite d'une longue route, le coeur qui bat un peu plus de retrouver ceux qu'on aime. Un petit sms avant d'entamer la montée: "Vous pouvez "lancer" le café ! On est là !"
- la Fondation Gianadda où presque chaque année on a pu admirer l'exposition de l'un ou l'autre grand peintre (Picasso, Degas, les impressionnistes, Suzanne Valadon, Matisse, Courbet, ...)
- le traditionnel chaud froid de fruits rouges à Chiboz avec ou sans marche préalable
- les piscines intérieure et extérieures du Thermalp, de 30 à 36°au choix
- le barbecue en plein air
- la raclette et/ou la fondue
- les tartes aux fruits rouges
- les feux du 1er août, les lampions avant 10 ans, les pétards après 10 ans, et les feux de bengale à partir d'un âge plus que de raison, le discours du maire, le petit bal musette, suisse en diable
- les sacs à dos remplis de petits pains, gendarmes, choc, barres sucrées, fromage, pulls, k-ways, pansements, bouteilles d'eau
- les petits pots "de merde" (appellation contrôlée depuis le jour où Maïté les a baptisés ici dans sa rébellion ras-le-bolique de ses 15 ans) destinés à la cueillette des mûres,framboises et fraises des bois
- les soirées confitures après immolation sur la plaque de cuisson des petits vers sortis des fruits (on ne connaissait pas bien le sadisme méticuleux de Mamy)
- les étirements du champion de Swiss'Sis après son entraînement vélo en vue, au choix, d'un marathon, triathlon ou IronMan
- les parties de Mah-Jong, Uno, Monopoly, manille, poker et de l'inusable Scrabble ("Quelqu'un peut me passer le dictionnaire du Scrabble ?"
- le passage obligé chez Gollut
- les promenades - le chemin des écureuils, Petit Pré, Grand Pré, Sorgno, Tsantonaire, la Passerelle de Farinet, la Seya, Odonne, Bougnone, la Pierre Avoi, la promenade des planètes à St Luc, à la Cabane Rambert. Ces noms chantent à nos oreilles comme autant de souvenirs joyeux.
- la virée annuelle à Lausanne avec l'incontournable passage chez Globus, le roi de l'épicerie fine.
- les enfants portés comme des moutons sur les épaules, les enfants qui remplissent leurs poches de cailloux qui les alourdissent dangereusement, les enfants qui parlent à leur ami imaginaire pour passer le temps pendant la marche, les enfants qui marchent trop près du précipice et qu'on rattrape de justesse, les ados qui grimpent vite parce que c'est ch.... de marcher, les ados qui chassent les papillons et les sauterelles en marchant....
23 ans de petits bonheurs suisses accumulés comme autant de barres d'Ovomaltine pour nous donner un maximum d'énergie pour les 20 ans à venir.
C'est vrai: Que la montagne est belle l'été! C'est encore là que je l'aime le plus...
Je ne sais pas si vous connaissez Julie Andrieu en Belgique, elle anime une émission sur notre chaine 5 qui s'appelle "Fourchette et sac à dos" et elle parcourt le monde à la découverte des patrimoines culinaires. La dernière émission se passait justement en Suisse et c'est vrai qu'il n'y a pas que le chocolat qui fait envie!
Rédigé par : verveine | 13 août 2011 à 21:52
C'est tout près de chez moi, le Valais. J'y ai campé à la belle étoile à plus de 2800 mètres, un beau soir d'été de l'année dernière, et c'est un des plus beaux souvenirs de ma vie. Même mon chien me tanne pour qu'on y retourne.
Rédigé par : Damien | 14 août 2011 à 10:40
j'aurai pu écrire les mêmes souvenirs (mais surement pas ausssi bien) ...
la maison de vacances des parents... mais au bord de la mer, et l'obligation de vendre avec les regrets de chacun, sachant que nous ne pourrions pas offrir les mêmes souvenirs aux enfants et petits enfants, est-ce pour cela qu'ils ne viennent pratiquement jamais nous voir ? C'est leur vie après tout.
merci d'avoir si bien dit...
Rédigé par : lyse | 15 août 2011 à 21:38
Verveine: Et non, il n'y a pas que le chocolat. Je connais Julie Andrieu mais pas son émission.
Damien: C'est où chez toi ? "Chez moi", les 5 dernières lettres sont les mêmes que celles de ton nom.
Bienvenue Lyse....
Rédigé par : Myosotis | 16 août 2011 à 22:13
Merveilleuse évocation de ces souvenirs montagnards. je reviens de "là-haut" et même si ce n'était pas dans le Valais, j'ai goûté avec plaisir l'ambiance très chaude des vacances en famille dont tu fais une superbe synthèse.
bravo Myo pour ce billet qui donne la pêche comme une barre d'ovomaltine!
Rédigé par : celestine | 16 août 2011 à 22:41
Avec mon lien, c'est mieux...
Rédigé par : celestine | 16 août 2011 à 22:42
A part plusieurs vacances dans l'appartement des voisins à La Panne quand j'étais enfant, j'ai toujours changé de lieu de vacances. Maintenant à l'âge adulte, je n'ai jamais envie de revenir au même endroit (si ce n'est 10 ans plus tard), je m'entends très bien avec mes parents (qui habitent dans ma rue) mais je n'ai pas envie de partir avec eux en vacances, je ne voudrais pas me sentir obligé d'aller dans une maison en vacances car elle est là. Par contre, un petit appartement à la côte belge pour passer quelques week-ends hors saisons, je ne dirais pas non, mais pour trouver un week-end où il n'y a rien de prévu...
Rédigé par : Un petit Belge | 20 août 2011 à 11:55