La dernière fugitive - Tracy Chevalier
Elle était arrivée dans ce pays avec un principe clair, issu d'une vie entière passée à méditer dans l'attente silencieuse: tous les hommes étant égaux aux yeux de Dieu, il était donc anormal que certains soient asservi par d'autres. Tout système d'esclavage devait être aboli. La chose avait parut simple en Angleterre, et pourtant, dans l'Ohio, ce principe se trouvait écorné. Par des arguments économiques, par des situations personnelles, par des préjugés profondément enracinés qu'Honor décelait même chez les quakers...Elle avait beau de s'indigner en repensant au banc des Noirs à la maison quaker de Philadelphie; elle-même ne sentirait-elle totalement à l'aise assise à côté d'un Noir ? Elle les aidait, mais elle ne les connaissait pas en tant que personnes. A part Mme Reed, un peu: les fleurs qu'elle portait sur son chapeau; le ragoût bourré d'oignons et de piments; le patchwork qu'elle avait composé au jugé. Ces petits détails quotidiens, voilà ce qui donnait consistance aux individus.
Quand un principe abstrait se trouvait impliqué dans la vie de tous les jours, il perdait de sa clarté et de son intransigeance et il s'affaiblissait. Honor ne comprenait pas comment c'était possible, et pourtant c'était arrivé: les Haymaker avaient démontré qu'on pouvait à bon droit abjurer ses principes et renoncer à agir. Maintenant, qu'elle était membre de cette famille, elle était censée épouser son histoire et accepter elle aussi le compromis.
Mme Reed pouffa. "Vous êtes abolitionniste ? Y a beaucoup de quakers qui le sont." Elle balaya du regard la boutique déserte, et sembla prendre une décision. "Les abolitionnistes ont plein de théories, mais moi je vis avec des réalités. Pourquoi je voudrais aller en Afrique ? Je suis née en Virginie. Pareil pour mes parents, mes grands-parents et leurs parents. Je suis américaine. Je ne raffole pas de l'idée qu'on nous expédie tous dans un pays que, pour la plupart, on connaît même pas. Si les Blancs espèrent juste se débarrasser de nous, nous flanquer sur des bateaux pour pouvoir être bien tranquilles, eh ben, moi je suis ici. C'est mon pays, et j'irai nulle part."
Beignets de tomates vertes - Fannie Flagg
Elle était restée vierge de peur qu'on ne la traite de putain ; elle s'était mariée par crainte de l'appelation « vieille fille » ; elle avait feint l'orgasme, redoutant de passer pour frigide ; elle avait eu des enfants pour ne pas être accusée de stérilité ; elle n'avait pas été féministe pour éviter l'épithète de lesbienne...
Je vais vous dire une chose : on ne peut pas longtemps s’attrister sur son propre sort, sinon c’est comme un cancer, sauf que ce n’est pas votre foie ou vos poumons qui pourrissent, mais votre âme.
« Un jour, Cleo, au moment de partir travailler, m'a montré toute une bande de merles posés sur le fil du téléphone devant chez nous, et il m'a dit : "Fais attention au téléphone aujourd'hui, Ninny, tu sais qu'ils écoutent tout ce que tu racontes. Le son de ta voix leur parvient par les pattes." (Elle regarda Evelyn.) Vous croyez que c'est possible ? »
-Cleo plaisantait, Mrs. Threadgoode, répondit Evelyn en riant.
- Oui, je m'en doute un peu, mais en tout cas, quand j'avais un secret à confier à quelqu'un, je m'assurais qu'ils étaient partis. Cleo n'aurait jamais dû me dire ça, sachant combien j'étais bavarde au téléphone. Je passais des tas de coups de fil tous les jours.
Je suis peut-être assise ici, à la maison de retraite de Rose Terrace, mais dans ma tête, je suis là-bas, au café de Whistle Stop, en train de déguster une assiette de beignets de tomates vertes.
Et celui-ci que je vous recommande si vous ne l'avez pas déjà lu !
Au revoir là-haut - Pierre Lemaître
Alors au-revoir , au revoir là-haut, ma Cécile, dans longtemps. Puis le nom de Cécile s'efface à son tour pour laisser la place au visage du lieutenant Pradelle, avec son insupportable sourire. Albert gesticule en tous sens. Ses poumons se remplissent de moins en moins, ça siffle quand il force. Il se met à tousser, il serre le ventre. Plus d'air.
Commentaires