Il y avait de quoi se soigner. Des pastilles Pulmoll qui ressemblaient aux petites crottes de ses lapins, cachés derrière le grillage en treillis; de l'onguent Vickx dont elle enduisait le haut de la poitrine et sur lequel elle appliquait en guise d'emplâtre des carrés de tissu de récupération, bien chauds; des pastilles Valda à l'eucalyptus.
Il y avait des livres merveilleux dont, entre autres, Les aventures de Sylvain et Sylvette, Petzi et toute la collection des petits livres d'or.....
Il y avait des tasses aux couleurs pastel et nacrées. Elles me faisaient rêver et visiblement mes soeurs étaient sous le même charme parce que nous avons toutes les trois les mêmes tasses dans nos armoires, rachetées dans l'une ou l'autre brocante.
Il y avait la télévision, boîte magique inconnue pour moi jusqu'alors sauf chez mon grand-père. Et j'ai toujours eu un faible pour la jolie poupée Claire, ses grands yeux aux longs cils et son petit chat Bigoudi.
I
Il y avait des cuisinières jouets où je préparais des mixtures de soupe aux herbes absolument immondes.
Il y avait une trancheuse manuelle pour trancher le pain qu'elle achetait une fois chez un boulanger, une fois chez l'autre, "pour ne pas faire de jaloux". Et avant de trancher, elle traçait une croix avec un couteau sur le dos de la grosse miche pour bénir le pain ou tout au moins remercier le Seigneur de ce pain quotidien.
Il y avait l'atelier de Padi, l'ébéniste, dont l'odeur enivrante de la sciure de bois me grisait et dont les copeaux me donnaient l'impression d'être autant de boucles. Il y avait l'enclos pour les poules et la réserve de maïs à leur distribuer. Il y avait les toilettes extérieures avec un petit losange en guise de bouche d'aération. Il y avait le grenier à foin, si chaud quand le soleil tapait au plus fort de l'été. Il y avait le local où on entreposait les pommes de terre et les légumes.
Il y avait les chambres cocons dans le grenier pour leurs deux filles, la blonde et la brune, toutes deux institutrices que j'adorais aider dans la préparation de leurs cours. Elles me donnaient les crayons à tailler et les feuilles à ronéotyper, magique !
Il y avait les tartines au beurre salé et à la gelée de groseilles, trempées dans un café plutôt lavette que Clooney, les crêpes à la bière à la cassonade brune, la Piedboeuf à laquelle les enfants avaient droit, l'armoire aux biscuits, les petits verres à Martini et les Tucs.
Chez Tante Danielle, il y avait tout ça, tous ces petits bouts de vie qui sont devenus des petits bouts de moi, totalement intacts et inaltérables, quelques unes des racines de mon bonheur d'aujourd'hui.
Quels jolis souvenirs....
Rédigé par : manoudanslaforet | 11 mars 2016 à 08:54
Si je te dis que j'ai presque tous les memes souvenirs, mais moi de mon arrière grand mere, ma mémé Jeanne. Et que du coup, moi qui ne suis pas croyante, je ne coupe jamais le pain sans avoir d'abord trace un signe de croix avec le couteau !
Merci de cette replongee douce et mélancolique.
Rédigé par : ms | 11 mars 2016 à 18:56
Manou: Et j'en ai d'autres en magasin :-)
Ms: Tu imagines l'impact de ces souvenirs d'enfance. Moi, je ne fais plus ce geste parce j'achète le pain coupé et que ce serait plutôt casse-gueule mais je pourrais vraiment le faire si j'achetais le pain entier :-).
Rédigé par : Myosotis | 13 mars 2016 à 11:51