L'autre soir, mon smartphone, communément appelé "doudou", tellement il ne quitte pour ainsi dire jamais ma main, à l'instar des bouts de chiffon ou autres lapins, singes (comme le copain Cosaque de Sappho) ou oies sauvages (comme la copine Olga de Jules), mon smartphone donc affichait un record de 7h55 de temps d'écran pour une journée commencée à 7h30 et finie à 23h30. La moitié de ma journée rivée à mon écran miniature. De quoi me faire un peu peur. Je me savais complètement accro mais là j'ai dépassé mon propre entendement.
Et pourtant, je ne suis pas du tout asociale. Sur la même journée, j'ai passé deux heures avec Sappho et ses parents, j'ai rendu visite à Mamy L. pendant une heure, j'ai passé une heure avec Marc et Sis'Cile pour rendre visite à la voiture vintage de mon papa qui dort depuis 30 ans dans un garage et boire un verre dans la foulée pour discuter de l'avenir de cet ancêtre, j'ai passé une heure et demie en tête à tête avec l'Homme à discuter de tout et de rien et plis particulièrement d'un weekend en Ecosse pour célébrer les 50 ans de Joséphine. J'ai aussi repassé pendant une heure, cuisiné pour les repas du jour et pour les prochains lunches, pris un long bain. En d'autres termes, je n'ai pas du tout eu l'impression d'être en mode adolescente avachie dans le fauteuil, les yeux hypnotisés, Kaaptivée par un Smart Python qui me susurre "Aie confiance, crois en moi, que je puisse veiller sur toi".
Qu'est-ce que je peux bien faire pendant 8 heures sur un smartphone ? Tout. Alors, oui, je suis un peu beaucoup accro à Instagram, je peux aller relever le compteur quinze fois par jour si ce que j'ai à faire ne me plaît pas. Oui, je collectionne des images sur Pinterest et je les regarde ensuite avec beaucoup de plaisir. Oui, je joue avec mes soeurs, mon beau-frère et ma fille à un quizz en ligne mais le temps est limité à 6 questions jusqu'à ce que le partenaire ait lui même répondu à 6 questions, délai qui peut atteindre 24 heures si ce dernier est moins accro ou plus occupé, c'est selon. Et je précise que ce quizz est instructif, j'apprend tous les jours. Je cherche la signification d'un mot, une date de naissance, une explication sur un phénomène scientifique, médical ou autre sur Wiki and co. Pour le reste, je consulte les mails, la météo (dix fois par jour, on ne sait jamais que les prévisions auraient changé pendant le déjeuner), je compte mes pas et le le nombre d'escaliers montés (ainsi que la moyenne sur l'année, sinon ce ne serait pas drôle) - je peux pousser l'honnêteté jusqu'à avouer qu'il m'est arrivé de retourner dans mon bureau si j'ai oublié mon smartphone avant de monter les deux étages qui mènent au Directeur - parce que bien sûr, aussi intelligent soit-il, mon téléphone ne compte mes pas et mes volées d'escaliers que s'il les monte avec moi. Enfin et surtout, je consulte régulièrement mes 97 listes qui régulent ma vie. Là, je sens que je suis à deux doigts de me faire recommander les urgences digitales.
Mais comme tous les fous, je me sens tout à fait normale. Comment donc faisais-je au temps béni non connecté ? Et bien, je collectionnais les images que j'aimais et que je découpais consciencieusement, je les gardais et les contemplais dans une régulière béatitude. Je jouais déjà à des quizz dans les magazines, je feuilletais compulsivement les dictionnaires et les encyclopédies - quand je ne les recopiais pas tout simplement -, j'écrivais tous les jours à ma meilleure amie après l'école alors que je venais de la quitter et que j'allais la retrouver le lendemain matin. Bon d'accord, pour la météo, je regardais par la fenêtre (oui papa, je faisais ça) mais pour mes pas et les escaliers, je les comptais déjà pour m'occuper sur le chemin de l'école, puis plus tard en montagne pour me donner du courage. Si si. Et pour les listes, elles existaient en version papier. Et elles régulaient déjà ma vie. Mais ça, ce sera pour un autre billet ..... ;-)