Je suis en retard, je n'ai pas le temps de dire au revoir, je suis en retard, en retard, en retard.... Je suis le lapin blanc d'Alice, je cours, je cours, le temps m'échappe... Comment ai-je fait toutes ces années avec trois petits lapinous, un boulot à plein temps, pas de lave-vaisselle, pas de femme de ménage et peu de moyens ? Comment ai-je fait surtout pour trouver - du moins c'est l'impression, peut-être erronée, que j'en ai maintenant - d'avoir encore plein de temps ?
D'accord, j'allais chez le coiffeur une fois toutes les dix lunes et pas tous les mois (en ce temps-là, pas de grise mine). D'accord, je faisais mon shopping cadeaux, soldes, urgences, enfants, le midi; facile, j'étais à deux pas de tout, pas comme aujourd'hui, dans un coin perdu de la ville. Maintenant, tout cela me mange presque tous mes samedis. D'accord, je travaillais moins. Mais quand, quand suis-je devenue workaholic ?? D'accord, on n'avait pas Internet et la toile ne m'emprisonnait pas dans ses filets chronophages.
Mais là, j'en ai marre d'être en retard, en retard, en retard. Je veux du temps. Du temps pour voir le temps qui passe. Pour avoir des passe-temps. Signore, où est passé mon temps ?
Je suis aussi le lapin Duracell, infatigable, toujours d'attaque tout au long de la journée, j'ai des piles qui durent jusqu'à quatre fois plus longtemps, tambour battant. Certains collègues me demandent si j'ai dormi au bureau puisque je pars après eux et je suis à nouveau là le matin quand ils arrivent. Je fais quatre ou cinq choses à la fois. Je suis incapable, par exemple, de téléphoner, assise dans un fauteuil, couchée sur mon lit ou tout simplement sans rien faire d'autre. Il faut que je rentabilise l'autre main: je repasse (et quand j'ai besoin des deux mains, je coince le combiné dans le creux de l'épaule), j'écris, je clique, je répond à des mails (bonjour la concentration, je rate forcément soit l'info que j'entend, soit celle que je lis.).
Pas plus tard que samedi soir, j'ai préparé les crèpes pour la Chandeleur sur deux poêles en même temps, tout en dressant la table, préparant des pommes sautées au caramel sur une troisième poêle et grillant des amandes sur une quatrième.
Je me lève tôt et je vais dormir tard. Mais je ne peux pas m'endormir sans avoir lu un chapître de mon bouquin du moment. Je prend mon petit déjeuner en épluchant un magazine, je vide une partie du lave-vaisselle en attendant l'eau chaude pour le thé et les toasts grillés, je parcours un autre magazine en me lavant les dents. Et toute ma journée est à l'avenant.
Je voudrais (re)trouver la joie de vivre de Pan-pan et prendre la vie du bon côté.
Sis'cile m'a donné une idée. Je devrais faire, comme elle, une "done list" et je verrais que l'air de rien, j'ai fait plein de choses, peut-être cela m'aiderait-il à accepter de ne pas avoir plus de temps pour le "to-do".
N'empêche, je reste frustrée. Dois-je vraiment, sur le modèle de ma maman, attendre d'être à la retraite pour m'éclater en concerts, expos, théâtres, petits voyages, confitures ? Le hic, c'est qu'elle aussi, se plaint de manquer de temps.
Ah, les gourmandes, éternelles insatisfaites.....