Nous l'avons enterré il y a un an. Six mois plus tard, quelques-uns parmi nous ont eu l'idée de nous rassembler en souvenir de lui. C'était un pari un peu fou. Retrouver et rassembler un certain nombre de jeunes, devenus moins jeunes, qui s'étaient retrouvés été après été, ou hiver après hiver, ou, pour les plus assidus, hiver après été de chaque année, entre 15 et 20 ans, autour de ce sacré bonhomme.
Il était moine, passionné de musique - de Bach en particulier, et il animait les retraites organisées pour les écoles à la demande des professeurs de religion. Vu le succès de ces retraites, il s'était lancé dans un projet un peu risqué: organiser ces retraites deux fois par an pour les jeunes de 15 à 20 ans intéressés. Le succès a été immédiat et n'a cessé de croître.
Nous avons vécu là des moments extraordinaires, gonflés de tout l'idéalisme de notre adolescence, prêts à soulever des montagnes pour rendre le monde un tout petit peu plus tolérant, un tout petit peu plus ouvert, un rien plus heureux, un rien plus beau. Saison après saison, nous avons entretenu la petite flamme.
Certains sont restés proches, voire très proches, après avoir dépassé la limite d'âge de ces retraites pour adolescents et se sont retrouvés régulièrement. Mais la plupart se sont perdus de vue.
Alors oui, ces retrouvailles après plus de 30 ans étaient un vrai défi. Nous avons vraiment eu besoin de nous présenter pour nous identifier. "Moi, je suis une telle et toi ?" "Ah c'est toi ? Et bien moi, je suis un tel." "Nooon ?" Cheveux gris, calvitie naissante ou franchement avancée, petits ou gros bedons, légers empâtements, lunettes pour la plupart, rides plus ou moins creusées, stigmates de la maladie ou de la vie tout simplement... Personne n'a cherché à cacher sa surprise, certains ont amené des photos de nous, en groupe, vieilles de 30 ans. On a dit ou entendu: "Ah oui, cette fille-là, je m'en souviens, c'était une telle !" "Ah ben oui, c'était moi !" Gloups !. "Et lui là avec son pull gris, c'est qui, sa tête me dit quelque chose ?" "Ah et bien lui, c'est mon ex-mari". Re-gloups !.
Mais le bonheur était au rendez-vous, et notre joie n'était même pas feinte. On a revisité tous les coins mythiques de ce monastère, le couloir "transsibérien" - reliant les bâtiments pour hôtes et l'aile réservée aux moines -, le Moulin, le Cénacle ou l'Asekrem, l'église, le réfectoire et les cuisines où on se serait presque disputé pour faire la vaisselle.
On a passé une journée entière tous ensemble à se redécouvrir, se raconter le passé, formuler timidement de nouveaux projets.
Et le plus merveilleux de ces retrouvailles a été de retrouver chez ces 30 cinquantenaires la petite flamme intacte, des instituteurs heureux, des enseignants plein de fougue et de motivation, des notaire, vétérinaire, infirmières, fonctionnaires, journalistes, engagés, motivés, prêts encore à tous les combats.
J'en reviens gonflée à bloc, pleine d'envies d'en découdre encore un maximum !
Quelles belles retrouvailles! Je comprends que tu reviennes gonflée à bloc après ce retour aux sources de la vérité! Merci de partager ces souvenirs avec nous.
Rédigé par : delphine | 31 octobre 2011 à 19:15
Très jolie histoire. La mort, les rides, les souvenirs, les chauves et les ex. La vie quoi, en un clin d'oeil et en un tout et trois mouvements. C'est dingue de voir comment le temps passe vite, on se souvient de presque tout, sauf que l'on est terriblement mortel.
Rédigé par : Damien | 31 octobre 2011 à 22:50
Delphine: C'est vraiment un endroit super aussi !
Damien: Oui, c'est fou ! Tu as raison, la vie, c'est ça...
Rédigé par : Myosotis | 03 novembre 2011 à 23:24
Un condensé de tout ce qui fait le charme d'une Myosotis nostalgique et pétillante à la fois.
Rédigé par : celestine | 05 novembre 2011 à 01:08
Que ce soit avec des amis, de la famille éloignée, des anciens collègues, c'est agréable quand des retrouvailles se passent bien et que la complicité renaît au quart de tour. Bon dimanche Myo et à bientôt.
Rédigé par : Un petit Belge | 05 novembre 2011 à 23:18
Oh que j'adore cette flamme qui ne vacille pas et tiens le groupe uni autour du souvenir! Une mort qui maintient la vie n'est pas une mort!
Rédigé par : Edmée De Xhavée | 08 novembre 2011 à 15:00