C'était pourtant un mois de 31 jours. Mais le temps nous a filé entre les doigts. Il faut dire que c'est un mois emmenthal (pas gruyère, le gruyère n'a pas de trous), un mois de ponts, viaducs et autres congés bienvenus.
Entre le théâtre, un opéra, un resto et un concert, la Zinneke Parade, fabuleux "carnaval" bruxellois organisé tous les deux ans, le Jazz Marathon où tout le centre ville est en mode jazzy, nous avons encore casé un re-mariage auquel nous avons été invités en dernière minute, pour cause de désistements massifs en raison du long congé de l'Ascension.
Le dernier weekend s'est placé sous le signe des retrouvailles de la "soeurie" (comment c'est le féminin de fratrie ?). Swiss'Sis est rentrée pour une semaine et nous avons passé le weekend à la campagne, en famille sous un soleil éclatant. Après un dimanche après-midi de farniente, un lundi matin "tornade blanche", les hommes ont joué au car-wash et les filles ont déménagé la chambre des parents. Quand on s'y met, ça "déménage" effectivement ! De la troisième génération, seule Clara était là. J'avais abandonné les trois miens avec beaucoup de scrupules à leur blocus.
Parce que le mois de mai, c'est ça aussi, le début de l'étude intensive et acharnée précédant le péniblissime mois de juin qui rime avec examens.
Et revers de la médaille, un mois où l'on a tant de congés est un mois où on travaille double, surtout quand les vacances d'été approchent. Entre révision budgétaire, visites d'auditeurs et harcèlement sexuel, il faut caser le quotidien et je lutte contre une fatigue accumulée.
Mais malgré les paupières bien lourdes, je confirme que ce fût à nouveau un joli mois de mai.
Il y a 35 ans aujourd'hui, j'échangeais mon premier baiser. Curieusement, j'ai pensé "Ah bon, ce n'est que ça ?". Pourtant, si je ne me suis pas pâmée d'émotion, j'en ai bel et bien perdu totalement la notion du temps. Moi qui rentrais toujours à l'heure après l'école, je ne me suis pas manifestée avant 9 heures du soir. Tout le temps de laisser à mes parents de se faire un sang d'encre (je peux imaginer, surtout maintenant que j'ai les mêmes à la maison), de téléphoner à tous les hôpitaux de Bruxelles (je doute un peu qu'ils l'aient fait malgré tout), de laisser un mélange d'angoisse et de colère les envahir. Quand je suis réapparue comme une fleur, sourire aux lèvres, le mélange angoisse-colère cristallisé en une grosse boule d'adrénaline et une pelote de nerfs a explosé en deux bonnes claques. Les dernières.
Il faut croire que seules les filles ont la mémoire calendrier. J'ai souhaité un bon anniversaire de mariage à ma copine C. il y a une semaine et elle m'a remerciée de l'attention en me précisant que j'étais bien la seule à y avoir pensé. J'aurais mieux fait de m'abstenir.
Mais je peux lui dire aujourd'hui qu'elle n'est pas la seule. Si on ne le leur rappelle pas, les hommes oublient ces dates. A moins qu'évidemment, ça ne l'ait pas beaucoup marqué ce premier baiser. Ah, romantisme, quand tu nous tiens... Je me suis jurée de ne pas bouder et de ne rien dire. Mais bon, il mériterait bien une bonne paire de claques !
* Ne fuyez pas, doux instants de bonheur... (Le barbier de Séville de Rossini).
Toute une semaine de moments de bonheur les uns après les autres. Des moments de plaisir des sens, des moments de chaleur humaine, des moments de douceur de vivre.... Comment ne pas se réjouir à chaque instant d'être en vie, en bonne santé, tout comme ceux qui nous entourent, comment ne pas profiter pleinement de tout ce qui nous est offert ?
Samedi: Je vais m'acheter une paire de chaussures (enfin deux), toujours les mêmes mais dans d'autres couleurs, dans ce magasin qui vend tout au long de l'année les mêmes chaussures tellement confortables qu'une fois essayées, elles sont adoptées et qu'il devient difficile d'acheter autre chose. J'en suis à ma sixième paire. Toutefois, la dernière paire s'est mise à bailler à la semelle après peu de temps. La propriétaire de la boutique, d'habitude plutôt peu aimable, s'est montrée charmante et m'a offert de remplacer la paire fatiguée et défectueuse par une paire identique toute neuve. Elle a fait ma journée....
Dimanche: Parmi les livres de la tournée de 12 livres que l'on se partage à 12 en un an, j'ai reçu pour le mois de mai la biographie de Marie Laurencin. Et j'attends chaque jour avec impatience le moment du coucher où je vais retrouver pour quelques instants la butte Montmartre, le Bateau-Lavoir et le Lapin Agile avec Marie, Guillaume, Pablo, Fernande, le Douanier, Gertrude et Alice, tous ces jeunes fous qui vivaient de rien, de couleurs et de fêtes et qui me fascinent aujourd'hui. Parmi les multiples époques où j'aurais aimé vivre, je pense que ce Paris-là m'aurait infiniment séduite.
Lundi: L'arbre qui se trouve devant l'entrée du bureau où je travaille est sublime. Il est entré dans le printemps tout en bourgeons roses qui se sont ensuite épanouis en magnifiques fleurs blanches. Il verdit lentement jour après jour. Il est tout simplement splendide. Il me fascine et si j'avais le temps je m'arrêterais chaque jour un instant pour l'admirer plus longuement.
Mardi: Réjouissances festives entre amis pour célébrer l'anniversaire de l'Homme autour d'une table malgache. Une cuisine divine, tout en saveurs et parfums. Le ravitoto, plat traditionnel national est un pur régal: une cassolette de porc longtemps mijotée aux feuilles de manioc pilées et au gingembre accompagnée de riz parfumé au coco et d'une salade de tomates à la coriandre et au kumbava. Un vrai délice. Le tout arrosé au rhum, arrangé ou non. Et cerise sur le gâteau, le couple qui a ouvert récemment ce tout premier restaurant malgache à Bruxelles est exquis de gentillesse, de sourires et d'attentions. Une soirée délicieuse.
Mercredi: Non contents de l'avoir entouré la veille, les amis lui ont offert des billets pour le concert organisé au Bozar pour célébrer les 90 ans de Toots Thielemans. Ce fabuleux artiste bruxellois nous a époustouflés. Deux heures ininterrompues de morceaux hyper connus mais revus au son de son harmonica légendaire. Deux heures sans même boire une goutte d'eau. Quel souffle ! Il aurait pu aisément éteindre ses 90 bougies ! Le public en délire lui a manifesté haut et fort son enthousiasme et son amour. L'émotion était vraiment palpable et nous, les filles, nous avons essuyé notre petite larme.
Jeudi: Toutes les semaines ne sont pas aussi chargées mais le rendez-vous était fixé depuis longtemps. Soirée à nous deux, cette fois. Deuxième séance cinéma-opéra de l'année et cette fois c'est Figaro qui nous a enchanté les oreilles. On m'aurait dit il y a 30 ans que j'adorerais ça, j'aurais été plus que sceptique et pourtant nous sommes tous les deux de plus en plus enthousiastes. Cette fois, le Barbier de Séville était retransmis du Teatro Regio de Parme, ce qui ajoutait un brin de nostalgie à l'événement, pour moi, la Parmiggiana d'une année. Morceaux archi-connus ou moins connus, prestation enjouée, trois heures de plaisir non dissimulé.
Je ne voudrais pas avoir l'air d'un papillon écervelé, je sais qu'autour de moi, proches et moins proches vivent une souffrance, que ce soit une maladie soudaine, un divorce difficile, un deuil violent ou les effets sournois de la crise. Je vois les montées d'extrêmes un peu partout, la peur qui grandit. Je ne suis ni hermétique ni aveugle. J'apporte ce que je peux, même si c'est si peu, dans le réconfort. Mais je ne peux pas m'empêcher de souligner ici, dans la bulle qui m'appartient, les moments de plaisir que l'on peut trouver un peu partout.
je m'adonnerais plus assidûment au Pilates et au yoga
je m'initierais au Tai chi et au Nia
je suivrais des cours de langue que je ne connais pas
je prendrais des cours d'oenologie et surtout de thé-ologie (comment on appelle l'étude du thé ?)
je me lancerais dans la méditation
je jardinerais
je serais une parfaite fée du logis
je prendrais des cours de guitare et de piano
j'irais danser la salsa et la valse et le boogie et le paso doble et le chachacha
j'apprendrais le flamenco
je lirais un livre par semaine
j'irais au marché tous les jours
je ferais toutes les expos qui me plaisent
je tricoterais et je ferais de la broderie
j'irais à la cinémathèque et à l'opéra
j'écrirais plus régulièrement sur ce blog
Si en plus, je gagnais au lotto,
je visiterais toutes les villes d'Europe
je dévaliserais toutes les brocantes
je retaperais les ancêtres qui dorment dans les garages de mon papa et de mon grand-père
je passerais une saison à la campagne, une saison en ville, une saison à la montagne et une saison à la mer
Alors voilà, je joue au lotto et j'attends la retraite. Pour l'un, les chances sont très limitées voire inexistantes, pour l'autre, je ne suis pas sûre qu'elle me laissera ni le temps ni l'énergie de tout faire.