Ta façon d'être au monde - Camille Anseaume
Sis'Cile m'a passé ce livre en le recommandant fortement. D'abord, complètement perdue par le procédé narratif de l'auteur qui mélange allègrement le "je, le "tu" et le "elle" dans le premier chapître, histoire de brouiller les pistes pour le lecteur qui ne sait plus qui est qui de ces deux amies d'enfance si différentes l'une de l'autre. Puis dans le deuxième et second chapitre, seule l'une d'elle prend la parole et l'on comprend mieux. La fin est imprévisible et bouleversante.
"c'est bizarre ,quand je suis contente ça me rend triste parce que je me dis que quand ça sera fini je serais triste"
Figure-toi que vous veniez toutes les deux d’avoir une petite sœur qui s’appelait pareil, enfin « pareil » c’était pas son prénom, disons qu’elles avaient le même, de prénom, et aussi d’âge. Tu lui as dit que la tienne était trisomique, elle a répondu que la sienne était capricorne.
Peut-être qu'il faut changer d'échelle. Si on compare sa vie à la nôtre, on ne voit que la cassure. Mais si je regarde sa vie seule, si j'imagine un trait et que je zoome sur lui, alors je ne vois plus que le trait est petit... Je je vois juste plein, du début à la fin. Sa vie a été pleine finalement....
Le Maître ou le tournoi de Go - Yasunari Kawabata
Le premier des trois derniers livres que m'a offerts Antonios. Il a l'art de m'offrir ce que jamais je n'imaginerais acheter et je suis toujours sous le charme de ce qu'il m'invite à découvrir. Celui-ci, le Maître ou le tournoi de Go, grand classique de la littérature japonaise, est totalement inattendu. Un journaliste raconte un tournoi de go qui dure 6 mois et qui oppose le Maître qui remet son titre en jeu malgré sa santé qui décline de plus en plus au cours du tournoi et un jeune joueur de go d'une trentaine d'années. Le récit raconte les enjeux, les tensions ainsi que tout l'art du jeu. Sublime petit bouquin qui m'a donné l'envie de me mettre au Go.
L'éventail serré dans le poing, le Maître se leva; il empruntait tout naturellement l'attitude d'un samouraï qui saisit sa dague. Il s'assit devant le damier, les doigts de la main gauche glissés dans le hakama, la jupe de cérémonie, l'autre un peu fermée. Il leva la tête, le regard droit. Otaké prit place en face de lui. Après s'être incliné devant son adversaire, il saisit le bol rempli de pions noirs sur le damier pour le poser à sa droite. Il salua pour la seconde fois puis, immobile, ferma les yeux.
Soudain cette agitation cessa, le Maître retrouva son calme, son souffle redevint tranquille, mais personne n'aurait pu dire exactement quand la paix était revenue. Je me demandais si c'était le signe du départ, le passage de la ligne pour l'esprit qui affronte la bataille. Etais-je témoin des mouvements de l'âme du Maître au moment où, sans même s'en rendre compte, il recevait l'inspiration, le souffle divin ?
La Clef: la confession impudique - Junichiro Tanizaki
Un respectable professeur d'université, à l'âge du démon de midi, ne parvient plus à satisfaire sa jeune femme dotée d'un tempérament excessif. Après avoir essayé divers excitants, il s'aperçoit que la jalousie est un incomparable stimulant.
Chacun des deux époux tient un journal, sachant très bien que l'autre le lit en cachette...la société bourgeoise japonaise de l'après-guerre est encore empreinte de ses traditions de pudeur et de retenue.
Un roman audacieux sur un sujet délicat, qui interpelle et soulève beaucoup d'interrogations sur les mystères de la sexualité et l'importance de la communication au sein du couple.
Une moitié de moi-même déteste violemment mon mari, mais une autre l'aime tout aussi violemment. Nous ne sommes en réalité pas faits pour nous entendre, mais je ne suis pas pour autant disposée à aimer quelqu'un d'autre. Je suis engluée dans de vieux idéaux de fidélité, et par nature incapable de les transgresser. Certes, cette façon perverse et insistante de me caresser m'est insupportable, mais, d'un autre côté, comme il est évident qu'il m'aime à la folie, je me sentirais coupable de ne pas le récompenser d'une manière ou d'une autre.
Alors que nous sommes mariés depuis plus de vingt ans, que notre fille est en âge de se marier à son tour, formons-nous un vrai couple, nous qui, au lit, nous contentons d'accomplir la chose en silence, sans jamais échanger aucun tendre aveu ? C'est la frustration de ne pouvoir parler directement avec elle de notre intimité qui m'a décidé à consigner tout cela. Désormais, je tiendrai ce journal comme pour m'adresser directement à elle, en supposant - que ce soit ou non le cas en réalité - qu'elle le lit en cachette.
"C'est ainsi; cependant, une femme ne doit jamais montrer de passion;a l'égard de son mari, elle ne doit pas prendre d'initiative;voila ce que m'ont enseigné mes parents attachés à l'esprit de jadis. Je ne dirai pas que je suis incapable de passion, mais, dans mon cas, cette passion est d'un caractère intérieur, profondément caché; elle ne s'irradie pas à l'extérieur. Si on la force à s’extérioriser, à l'instant elle s'éteint."
Bartleby, le scribe - Herman Melville
Je préférerais ne pas : telle est la réponse, invariable et dune douceur irrévocable qu'oppose Bartleby, modeste commis aux écritures dans un cabinet de Wall Street, à toute demande qui lui est faite. Cette résistance absolue, incompréhensible pour les autres, le conduira peu à peu à l'isolement le plus total. Bartleby compte parmi les écrits les plus importants d'Herman Melville. C'est un livre désarmant, un peu cruel et acerbe. Encore un cadeau d'Antonios, qui me fait découvrir ce que l'école ne m'a jamais fait découvrir.
C'était un homme de préférences plutôt que de présupposés.
Finalement, je me rendis compte que dans le cercle de mes relations d'affaires courait un murmure d'étonnement au sujet de l'étrange créature que j'abritais dans mes bureaux. Cela me rendit soucieux. L'idée me vint même que bartleby pourrait vivre jusqu'à un âge avancé ; continuer à occuper mes bureaux ; saper mon autorité ; confondre mes visiteurs ; ruiner ma réputation d'homme de loi ; jeter une ombre générale sur les lieux ; garder l'âme chevillée au corps grâce à ses économies (car il ne dépensait sûrement pas plus d'une demi-dîme par jour), et, à la fin des fins, me survivre peut-être, et réclamer possession de mon bureau par droit d'occupation perpétuelle ; ces sombres prévisions se bousculant dans mon esprit, et mes amis se livrant sans répit à des remarques sur l'étrange apparition qui hantait ma pièce, un grand changement s'opéra en moi. Je résolus de battre le rappel de mes facultés pour me délivrer à tout jamais de cet intolérable incube.
Rien de plus exaspérant pour une personne sérieuse, qu’une résistance passive. En tout cas si la personne ainsi mise à l’épreuve n’est pas dépourvue d’humanité, et si celle qui résiste est parfaitement inoffensive dans sa passivité. Alors, dans les meilleurs moments du premier, il permettra charitablement à son imagination d’interpréter ce qu’il lui est impossible de résoudre par le jugement. Même en ce cas, la plupart du temps, je surveillais Bartleby et ses façons. Pauvre type ! pensai-je, il n’y voit pas malice, c’est évident qu’il n’y met pas d’insolence ; son aspect prouve suffisamment que ses excentricités sont involontaires. Il m’est utile. Je peux me débrouiller de lui comme ça. Si je le renvoie, il y a bien des chances qu’il tombe chez un patron moins indulgent, où il sera vite maltraité, et finalement conduit à traîner la misère. Oui. Je pouvais de cette façon m’accorder à peu de prix une délicieuse auto-approbation. Venir en aide à Bartleby, se prêter à son étrange volonté ne me coûtait rien ou si peu, tandis que j’emmagasinais dans mon âme ce qui me resterait sinon en travers de la conscience. Mais cela ne me mettait pas cependant l’esprit au beau fixe. La passivité de Bartleby me poussait régulièrement à la colère. Je me sentais étrangement aiguillonné à le provoquer dans une nouvelle opposition, et susciter au moins une étincelle de réaction qui pourrait enfin revenir de lui à moi. Mais bien sûr j’aurais pu aussi bien essayer d’enflammer un savon de Marseille avec mes allumettes.
L'héritage de Karna - Herbjorg Wassna
Le livre que Tordis m'a prêté, la dernière trilogie de trois trilogies (une tri-trilogie ?). Juste une pure merveille.
L'extrême nord de la Norvège, à la fin du XIXe siècle. Benjamin Gronelv rentre au pays après ses études de médecine à Copenhague. Les retrouvailles sont tumultueuses avec ce pays froid et désertiques, isolé entre la mer et les montagnes.
Cest un Benjamin adulte qui vient exercer dans ce coin retiré ses fonctions de médecin.
Et il ne rentre pas seul : il débarque sur le quai avec un paquet gigotant et hurlant sous le bras, Karna, sa fille, fruit d'amours illicites avec une infirmière danoise morte en couches.
Alors que Benjamin tente de réaprivoiser le domaine et son enfance, à travers l'ombre de sa mère Dina absente depuis tant d'années, et sous le regard farouche de Hanna, l'amie de tous les jeux d'enfance et d'adolescence, Karna grandit et s'invente un univers.
Elle s'ouvre au monde qui 'lentoure, découvre l'affection féminine auprès des domestiques, se débat dans les amours emmêlées de son père lorsque vient en visite une autre Anna, celle de Copenhague, et passe des heures au grenier en compagnie d'une grand-mère fantasmée. Et puis cette grand-mère, Dina, revient au pays..... Et là....
Magnifique florilège que je découvre au retour de mon road movie !
Super la phrase: "c'est bizarre ,quand je suis contente ça me rend triste parce que je me dis que quand ça sera fini je serais triste" il y en a qui ont du boulot en carpe diem... hihi !
Celui qui me tente le plus est l'histoire de l'homme et de sa femme qui écrivent leur journal...
Il est bien cet Antonios...il t'en fait découvrir des choses !
Bisous ma belle Myo
¸¸.•*¨*• ☆
Rédigé par : celestine | 21 avril 2016 à 16:54
Comment c'était ton road movie ?
Il est très bien Antonios. C'est une espèce de vieux maître à penser ;-)
Rédigé par : Myosotis | 27 avril 2016 à 13:11
J'ai raconté mon road trip ici, ma belle amie, mais je ne t'ai pas aperçue...
http://celestinetroussecotte.blogspot.fr/2016/04/sur-ma-route.html#comment-form
Bisous célestes
¸¸.•*¨*• ☆
Rédigé par : Celestine | 30 avril 2016 à 10:37