Entre ciel et terre - Jón Kalman Stefánsson
J'ai une petite marotte (en fait, j'en ai des dizaines) qui veut que j'achète presque systématiquement les livres dont le titre contient le mot "ange". Après je les empile sur la cheminée du salon, là où des anges nous sourient au plafond. J'ai donc acheté La tristesse des anges sans savoir que c'était la suite d'un premier livre. Que je me suis donc empressée d'acheter. Voilà la petite histoire de Entre ciel et terre. Et tout de suite, j'ai adoré cette histoire de pêcheurs islandais, si bien écrite, qu'on ressent le froid aux pieds dans les bottes encaoutchouc et on sent le parfum des embruns et l'odeur forte du poisson.
Il est peu de choses aussi belles que la mer par une magnifique journée ou par une nuit limpide, quand elle rêve et que le clair de lune est la somme de ses rêves.
Celui qui meurt se transforme immédiatement en passé. Peu importe combien il était important, combien il était bon, combien sa volonté de vivre était forte et combien l'existence était impensable sans lui : touché ! dit la mort, alors, la vie s'évanouit en une fraction de seconde et la personne se transforme en passé. Tout ce qui lui était attaché devient un souvenir que vous luttez pour conserver et c'est une trahison que d'oublier. Oublier la manière dont elle buvait son café. La manière dont elle riait. Cette façon qu'elle avait de lever les yeux. Et pourtant, pourtant, vous oubliez. C'est la vie qui l'exige. Vous oubliez lentement, mais sûrement, et la douleur peut être telle qu'elle vous transperce le coeur.
S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplie d'ombre
Sur toute chose,
Tombe le silence,
lit Bardur dans le Paradis perdu, il incline le livre afin que la lampe y projette sa clarté, une lumière qui parvient à illuminer un vers bien tourné atteint probablement son but. Ses lèvres s'animent, il lit maintes fois le passage et, à chaque fois, l'univers qu'il abrite en son for intérieur s'élargit et gagne en ampleur.
La couleur du lait - Nell Leyshon
Encore un livre de la tournante que j'ai décidé d'arrêter l'an dernier. A priori interloquée par l'écriture sans majuscule, dans un langage incorrect, j'ai presque voulu fermer le livre. Mais on comprend vite que l'écriture traduit le manque d'éducation d'une jeune fille, enfants de fermiers rustres, qui se trouve envoyée contre son gré dans la maison du pasteur pour s'occuper de son épouse malade. Où elle découvre la lecture et malheureusement d'autres choses.
Des fois la mémoire c'est bien car sans les souvenirs il ne reste rien de la vie. mais d'autres fois elle retient des choses qu'on préférerait oublier et après on a beau essayer de s'en débarrasser elles reviennent quand même.
je les ai lus.
mes deux premiers mots.
j’ai passé mon doigt sur la couverture du petit livre noir. je sentais les lettres gravées dans le cuir et je les lisais tout haut. la. bible, j’ai dit. la bible.
il a frappé dans ses mains. félicitations. tu vas progresser vite. il a montré le livre que je tenais. c’est pour toi. et chaque fois que tu souhaiteras te souvenir de ce que tu as appris tu n’auras qu’à le regarder.
il est à moi ?
mais oui. tu peux le garder.
j’ai serré le livre de cuir. je l’ai serré contre moi.
ne le perds pas.
ça risque pas et si vous croyez une chose pareille, vous êtes un foutu imbécile.
mary !
pardon. pardon révérend. je voulais pas dire ça. c’est sorti parce que je suis trop enthousiasmée.
enthousiaste.
enthousiaste. oui. je me suis levée. merci. merci. je me suis dirigée vers la porte.
mary. le plateau.
pardon ?
Edna a dit que c'était le boudoir.
madame a ri.
Chroniques de San Francisco; Anna Madrigal - Armistead Maupin
C'était la série que Sis'Cile m'avait passée quand on était jeunes (enfin quand j'étais jeune et elle encore beaucoup plus jeune), qu'on avait adorée toutes les deux et qui racontait la saga d'une bande d'étudiants qui vivent tous chez Anna Madrigal, une logeuse qui tient un petit immeuble sur Barbary Lane et cultive de la marijuana. Etudiants caractérisés par le souci de vivre librement leurs passions, leurs amours, leurs sexualités.
Le dernier tome en date est l'histoire d'Anna Madrigal, devenue très âgée et revivant son enfance et sa vie avant Barbary Lane.
Il a tendu le bras au-dessus de la table pour prendre sa petite main manucurée. La sienne était constellée de plaques sombres, comme la robe d'un cheval pie, aux formes trop variées et inégales pour être considérées comme des tâches de rousseur. "tâches de vieillesse ", avait-il entendu son père les appeler au temps où il était encore étudiant et où son vieux accusait déjà les coups de l'âge. Mais l'expression lui paraissait maintenant réductrice. "Tâches de vie bien remplie " lui semblait plus adéquat.
Certains boivent pour oublier.
Moi je fume pour me souvenir.
Okinawa - Jean-Paul Curtay
Le bouquin qui a fait mon bonheur cet été au bord de la piscine. Un programme de vie, un régime alimentaire, destinés à nous aider à mieux vivre notre vieillesse. Okinawa est une île du Japon qui compte le plus grand nombre de centenaires heureux et en bonne santé. Le livre analyse assez scientifiquement, mais pas trop non plus sinon je ne comprendrais rien, tous les mécanismes de cette longévité en bon état. J'y ai puisé toute une série de bonnes idées et résolutions que j'applique chaque jour depuis, avec un bien-être immédiat certain. Je recommande. En tout cas, moi, j'y trouve totalement mon compte.
Il n’y a qu’une seule efficacité: celle qui marche. Que cela demande peu ou énormément d’efforts, cinq minutes ou cinquante ans, que cela coûte cher en souffrance ou en argent, ou rapporte gros et soit ‘super-jouissif’ n’est pas le plus important. Le plus important est que nous poursuivions vraiment ce qui compte, ce qui a de la valeur, du sens pour nous; que nous fassions le premier pas, puis le deuxième et ainsi de suite avec une persistance inépuisable, sans exigence de résultat. Et là, tout devient possible.
Centrés, solides, ‘coriaces’, outillés pour rebondir quoiqu’il arrive.
Cela repose d’abord et avant tout sur une ‘vision’, une carte de valeurs. Quoiqu’il arrive, la vie est belle, parce que cela ne se raisonne pas, c’est. C’est comme cela. Il suffit de s’arrêter sur le fait qu’il n’était pas obligatoire que l’univers existe, que la Terre se forme, que la vie apparaisse, qu’une évolution nous fasse naître à chaque génération dans plus de connaissances, de moyens technologiques, de beautés artistiques accumulées par les générations précédentes.
El paraiso en la otra esquina - Mario Vargas Llosa
Après avoir découvert Mario Vargas Llosa en espagnol lors de notre voyage au Pérou, je m'étais promis de poursuivre la lecture de cet auteur, toujours en espagnol. Cette fois, il raconte en parallèle l'histoire de Flora Tristan, militante féministe, pré-syndicaliste dont l'idéal est l'union internationale de tous les opprimés (chômeurs, ouvriers, femmes) en vue d'infléchir les bourgeois et de leur offrir des conditions de vie meilleures et de son petit-fils, .... Paul Gauguin. Que je découvre. On voyage dans tous les coins de France, au Pérou d'où vient le père de Flora et dans les îles du Pacifique où Gauguin a terminé sa vie. Passionnant, instructif, j'adore.
Les extraits ci-dessous sont en français:
Tu avais peint ta meilleure toile non seulement avec tes mains, avec tes idées, ton imagination et ton métier, mais aussi avec ces forces obscures venues du fond de l'âme, le bouillonnement de tes passions, la fureur de tes instincts, ces impulsions qui surgissaient dans les tableaux exceptionnels. Les tableaux qui ne mourraient jamais, Koké. Comme l'Olympia de Manet.
Qu'il était difficile de convaincre beaucoup de tes compatriotes que tous les êtres humains étaient égaux, quels que soient la couleur de leur peau, la langue ou le dieu qu'ils priaient! Même quand ils semblaient l'admettre, des que surgissait un différend elle voyait affleurer le dédain, le mépris, les insultes, les propos racistes ou nationalistes.
Elle ouvrit l'oeil à quatre heures du matin et pensa : "C'est aujourd'hui que tu commences à changer le monde, Florita." Nullment inquiète à la perspective de mettre en marche le mécanisme qui, au bout de quelques années, devait transformer l 'humanité en faisant disparaître l'injustice.
S'il ne faisait pas l'amour, son inspiration s'évanouissait. Aussi simple que ça.
L'océan au bout du chemin - Neil Gaiman
Encore un livre de la tournante. Une découverte. Un monde de fantaisie et de surréalisme à l'anglaise. Genre contes de Narnia. J'ai adoré.
Les souvenirs d'enfance sont parfois enfouis et masqués sous ce qui advient par la suite, comme des jouets d'enfance oubliés au fond d'un placard encombré d'adulte, mais on ne les perd jamais pour de bon
L’enfance ne me manque pas, mais me manque cette façon que j’avais de prendre plaisir aux petites choses, alors même que de plus vastes s’effondraient. Je ne pouvais pas contrôler le monde où je vivais, garder mes distances avec les choses, les gens ou les moments qui faisaient mal, mais je puisais de la joie dans les choses qui me rendaient heureux.
Nous avons cueilli quelques cosses de pois, pour les ouvrir et manger les pois à l'intérieur. Les petits pois étaient pour moi une énigme. Je ne comprenais pas pourquoi les adultes prenaient des choses qui avaient si bon goût quand elles étaient fraîches et crues pour les mettre en boîte de conserve et les rendre écœurantes.
Nous sommes restés assis là, côte à côte, sur le vieux banc de bois, sans rien dire. Je pensais aux adultes. Je me suis demandé si c'était vrai: si en réalité c'étaient tous des enfants enveloppés dans des corps d'adultes, comme les livres pour enfants cachés au milieu de longs bouquins ennuyeux pour adultes, du genre qui ne contiennent ni illustrations ni dialogues.
Les hommes tremblent - Mathieu Lindon
Cadeau de Swiss'Sis pour Noël ou mon anniversaire, je ne me souviens plus. L'histoire d'un sans-abri qui squatte le hall d'entrée d'un immeuble à appartements. Personne n'ose l'en chasser, personne n'est heureux de le voir dormir, manger, parfois faire l'amour dans cet endroit. Sans compter les commentaires qu'il se permet de faire à chacun des locataires sur leur vie. Caustique et interpellant.
Sans que Martin soit expulsé manu militari, il devrait être possible de le convaincre de passer son temps dans le local poubelles, qui est très bien tenu et assez spacieux, de sorte qu'il ne manquerait pas de place pour se mettre à l'aise, même avec Martine, et lui-même ne serait pas sans cesse interrompu dans ses rêveries par des allées et venues. Les allées et venues, pour leur part, n'auraient pas sous leurs yeux, à chaque fois qu'il quittent ou regagnent leur appartement, cette espèce de loque prétentieuse qui donne son avis sur tout et sur chacun. Mais Martin a des complices dans l'immeuble, des locataires principalement, qui tiennent à faire connaître leur idée de l'humanisme, laquelle consiste à se scandaliser de tout contact trop poussé entre les hommes et les déchets. Qu'est-ce qu'ils croient ? Que, dans des pays moins favorisés, les pauvres gens ne fouillent pas jour les décharges d'ordures comme une île au trésor, pour y trouver de quoi se nourrir ou commercer jusqu'à demain? Martin, il était juste question qu'il passe ses journées et dorme, qui plus est éventuellement avec sa Martine, dans la Rolls des locaux poubelles.
Les relations sexuelles d'un appartement à l'autre, ce n'est pas commode pour les adultères à cause des risques de rencontres avec le troisième larron que cela suscite - mais entre adultes consentants pas mariés, libres de leurs fesses ?
Un homme tremble au bas de l'immeuble. Le froid, la peur, Parkinson? Faut-il appeler les services sociaux, la police, les urgences? L'alcool, ça n'a vraiment pas l'air. La faim? Faut-il lui offrir un sandwich? Y' a-t-il quelque chose à faire ou rien, comme d'habitude?
Fuir Pénélope - Denis Podalydès
Cadeau de Maïté. Elle me l'a offert pour la Grèce, les échanges en grec qu'elle avait repérés dans le livre en le feuilletant. C'est l'histoire du premier film de Podalydès avec un metteur en scène inconnu dont c'était aussi le premier film. Surprise, suprise, Wikimachin m'apprend que ce metteur en scène est aujourd'hui un collègue à moi (et à Maïté et JD) qui ne travaille plus du tout comme metteur en scène. Le monde est petit.
Yorgos dit une fois: Je veux rentrer chez moi me retrouver avec ma femme et mes enfants. Cette phrase ne souffrait ni enjolivure ni réplique. Je rêve de dire un jour pareil mot, et qu'ils disent ce qu'ils signifient, ni plus, ni moins que tout le bonheur possible en ce monde.
Comme hypnotisé par la deux-chevaux [en stationnement], je roule vers elle; je la vois arriver mais ne freine pas, je crois en avoir le temps ; je ne freine pas encore ; je roule. C'est comme si je la désirais. Je ne me l'explique pas. Mon maître [d'auto-école] est incrédule. Il me regarde. Comme un poids, j'éprouve son effort pour me comprendre, me déchiffrer. Comment lui dire que je ne suis pas plus affranchi de cette énigme? Je le regarde à mon tour. L'inquiétude le saisit; pire que ça : son visage est tout raide. Masque mortuaire. L'angoisse me prend. Le maître voit sa propre stupeur grandir dans la mienne, et moi je me pétrifie comme dans mes grands moments de peur définitive, préférant qu'on en finisse, qu'on y passe tous, puisque, de toute façon, tout est foutu, n'attendez plus rien de moi. Aucun sens de la survie ni de la révolte.
Se changer, changer le monde - Christophe André
Un livre du collectif Emergences, 5 hommes d'une grande sagesse, un moine bouddhiste, un psychiatre, un agriculteur, un philosophe et un professeur de médecine.
Face au mal-être contemporain, face à la crise de sens et aux désastres écologiques, ils donnent des conseils pratiques pour participer à un monde plus humain.
Je n'ai rien appris de très nouveau mais cela m'a fait plaisir de le lire malgré tout.
Plus nous sommes indignés, plus nous avons besoin d'être conscients afin que nos actions restent en cohérence avec nos idéaux.
Si nous perdons le contact avec la nature dont nous faisons partie, alors nous perdons la relation avec l'humanité, avec les autres.
Le voyage en Italie - Goethe
Cadeau d'Antonios et Marie-Pierre. Ceux qui m'offrent toujours des livres qui m'éduquent à la littérature. Celui-ci est encore en cours de lecture. Pas facile à lire et pourtant très beau. Et il m'a donné l'envie de me remettre à l'allemand.
Je me suis enfin de Carlsbad à trois heures du matin : autrement on ne m'aurait pas laissé partir.
Ce qu'il y a d'agréable en voyage, c'est que, par la nouveauté et la surprise, l'habituel prend l'air d'une aventure.
Je n'ai jamais lu ces auteurs, donc je ne saurais pas te faire un commentaire à leur sujet. Bon week-end Myo.
Rédigé par : Un petit Belge | 03 septembre 2016 à 14:55
Je suis impressionnée par ta liste, Myo.
Une attention toute particulière à " okinawa" et "changer le monde " peut-être parce que je ressens le besoin de lire pour recentrer ma vie sur les fondamentaux, alors que je m'évade de façon différente que par les romans en ce moment.
En tous cas, merci pour cette chronique riche et plein de ta sérénité retrouvée. Sans doute sur les rivages de la belle Ardèche chère à mon coeur.
Je t'embrasse my sister
Bonne rentrée, je te la souhaite paisible et sans heurts.
¸¸.•*¨*• ☆
Rédigé par : Celestine | 05 septembre 2016 à 09:19
Cel: Ah franchement, Okinawa, ça m'a fait un bien fou. Changer le monde, un peu moins mais l'idée y était.
Bisous Celestine.
Rédigé par : Myosotis | 05 septembre 2016 à 17:46