Comment c'était avant ? Avant la toile ?
Je me souviens qu'enfant, mon papa me ramenait des cartes perforées. J'aimais ces languettes de papier légèrement cartonnées, qui ressemblaient à de larges immeubles, plutôt bas de plafond, et aux multiples fenêtres. J'imaginais les fenêtres allumées et la vie des habitants rentrés chez eux. Oui, je sais, j'ai toujours eu une imagination fertile. Mais j'étais à mille lieues d'imaginer à quoi ces cartes pouvaient bien servir ni qu'elles étaient l'ancêtre de ce qui transformerait ma vie de manière considérable.
Plus tard, adolescente ou jeune adulte, je me suis découvert une passion pour les Lunapark à la mer du Nord et pour les premiers jeux videos. Mon préféré avançait en ouvrant la bouche pour dévorer des pac-gommes tout au long d'un labyrinthe sans se faire attraper par je ne sais plus quoi.
Et puis, un jour, en Italie, l'Homme a ramené un ordinateur Compaq. Je trouvais que c'était une folie, comme toujours lorsqu'on achète quelque chose qui dépasse une certaine somme. Mais il n'a pas fallu longtemps pour que je morde à pleines dents dans ce nouveau monde. C'est là que tout a commencé: les DVD en italien, les disquettes, les zip, les jeux éducatifs pour enfants, Tomb Raider, Pin Ball et .... la toile.
Quand on lançait la connexion avec le modem, cela faisait un bruit d'enfer, la connexion prenait un temps fou, parfois elle n'aboutissait pas et il fallait recommencer et au bout d’une trentaine de bzzzzzz tchong idong idong criiiiii, on arrivait sur le net « Bienvenue, vous avez des e-mails ! ».
Aujourd'hui, le wi-fi a envahi les maisons, les espaces publics et les lieux de vacances. Plus jamais sans ma toile.
Est-ce que c'était mieux avant ? Est-ce qu'on prenait plus le temps de vivre ? Peut-être. En attendant, moi, je sais que je suis chaque jour émerveillée de trouver la définition d'un mot, son étymologie, sa traduction, son orthographe et ce dans toutes les langues sans devoir attendre d'être à la maison pour ouvrir un dictionnaire ou pire, attendre d'aller un jour dans une bibliothèque.
Je suis fascinée par cette application de ouf qui reconnaît le morceau de musique qui passe dès les premières mesures.
Je suis ravie de pouvoir écouter toute la musique que j'aime - et ça en fait des morceaux ! - de manière aléatoire pendant des heures, sans pour autant choisir 5 CDs en mode aléatoire ou plus tôt encore, écouter un disque à la fois.
La puissance documentaire d’internet a augmenté ma vision du monde dans des proportions inimaginables. Plus que des réponses, la toile nous a conditionnés à ne plus jamais refuser de nous demander comment, qui et pourquoi.
D'accord je dois me contrôler; maintenant que j'ai reçu un smartphone, je le considère un peu comme mon doudou. Ma vie s'arrête presque si je ne l'ai pas à portée de main. Et je dois tout faire pour ne pas devenir asociale et mal élevée comme ceux qui, sans prévenir et sans raison, baissent la tête et glissent leur index ou leur majeur impudemment sur l'écran de leur téléphone.
D'accord, je dois ne pas devenir frénétique avec Candy Crush, Pinterest et .... la météo (je finis par refuser de croire qu'il pleut si mon application me dit qu'il fait plein soleil - et comme me dit papa "regarde par la fenêtre !!").
Mais je ne résiste pas au plaisir de satisfaire ma curiosité partout et en toute heure (oui, je dors avec mon smartphone sur la table de nuit), d'échanger quelques messages rapides ou moins rapides avec mes filles où qu'elles soient et de googler à tout va.
Oui, je suis tout engluée dans la toile et je risque de me faire manger toute crue mais en aucun cas, je ne regrette d'avoir connu cet avant et cet après Internet.