Le charme est rompu mais une certaine tendresse persiste. Je l’ai tant aimée depuis plus de trente ans. Au point de passer deux heures par semaine en cours du soir pour en apprendre la langue, pendant sept ans. De vibrer sur sa musique, bien plus riche que la chanson de Zorba ou les enfants du Pirée. D’écouter toutes les émissions radiophoniques disponibles à l’époque des radios libres. De passer un certain nombre de vacances dans les différentes régions de la Macédoine au Pélopponèse en passant par quelques îles.
Je me faisais une joie d’y revenir après 8 ans d’absence en ce qui concerne le pays, 25 ans en ce qui concerne le Pélopponèse. Bien sûr, le paysage est toujours aussi magnifique dès qu’on s’éloigne des grandes routes mais je ne m’attendais pas à ce que le pays soit toujours aussi sale par ailleurs. En 25 ans, la gestion des déchets n’a pas franchement évolué; non seulement la collecte des ordures ne semble pas particulièrement efficace au vu des poubelles qui s’amoncèlent autour des conteneurs ad hoc; le tri sélectif n’a pas encore l’air à l’ordre du jour; les déchets plus encombrants sont abandonnés “comme un chien lâche sa crotte” (du moins ceux dont le maître est peu regardant) – expression consacrée de Mamy L. qui l’utilisait pour parler des Italiens qui garaient leur voiture n’importe où.
Peut-être aussi ai-je mal vécu les conditions logistiques de ce séjour. On a tellement eu l’habitude ces dernières années de louer de jolies maisons, bien équipées, bourrées de charme que j’ai eu beaucoup de difficultés à vivre dans des conditions plus proches du camping – de luxe certes mais camping tout de même – dans une seule pièce cuisine-séjour-coin dodo, sans eau chaude pour la vaisselle, avec une seule casserole, cinq fourchettes et quatre couteaux, un seul torchon, une gazinière qui fait sauter les plombs toutes les deux cuissons, un frigo qui surchauffe à l’extérieur, une proximité avec les voisins plus difficile à vivre que dans un vrai camping parce qu’il y en a au-dessus, en-dessous, à gauche, à droite.
Peut-être ai-je mal surmonté ma déception face à la plage de galets, moi qui ne jure que par les plages de sable fin.
Peut-être ai-je trop enragé d’avoir tant perdu la pratique de la langue, ce qui m’handicape toujours quand je suis dans un pays où je ne peux pas m’exprimer librement dans la langue autochtone.
Peut-être la chaleur assommante a-t-elle annihilé ma résistance et ma tolérance.
Et pourtant, j’ai adoré:
- les levers du soleil sur la mer admirés en me contentant de lever légèrement la tête de l’oreiller
- les séances boucanage-bouquinage à la plage
- les apéros en jouant aux cartes, au mah-jong ou au poker
- la visite de certains sites touristiques peu fréquentés comme Messène ou le palais de Nestor sous la guidance de Marie-Pierre, passionnée et passionnante
- le poisson pêché du jour et grillé
- pouvoir lire plus de deux livres sur le mois
- la vue absolument magique des eucalyptus géants devant la mer
- les nuits dans des sacs de couchage en soie, légers comme une plume
- les cafés frappés préparés par Maïté
- la pleine lune sur la mer
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