Tableau de Denise Rafenomanjato
Elle m'a prise par surprise. Je savais qu'elle avait dix ans de plus que moi mais comme j'oublie que j'en ai 50, j'ai oublié qu'elle allait avoir 60 ans en décembre. Lors de notre rendez-vous la semaine dernière, elle m'annonce l'impensable: c'est notre dernier rendez-vous, elle arrête à la fin de l'année. Elle ne travaillera plus qu'à mi-temps et se consacrera exclusivement à sa passion: la stérilité. J'ai du mal à y croire. Je lui souris et plaisante mais le coeur n'y est pas, le sentiment d'abandon est immense. Je me sens redevenir une petite fille.
Depuis toujours, j'entretiens avec les médecins une relation privilégiée. Dès le premier rendez-vous, ça passe ou ça casse. Si nous ne devenons pas tout de suite amis pour la vie, je ne reviens plus. Mais ouiiii, j'exagère. Mais pas beaucoup.
En général, on y va même en couple, voire carrément en famille. Oserais-je l'avouer mais nos enfants ont été chez le pédiatre tous les ans pour une simple visite de routine jusqu'à 14-15 ans. On aimait bien y aller, c'est tout. Et on y allait à 5 pour la visite d'un seul à la fin. Simplement pour aller dire bonjour à celui que tous les enfants appelaient Tonton Clément.
Chez le dentiste (par ailleurs, mari de la gynéco - le concept de famille est assez large), même scénario, on débarque à cinq dans le cabinet. Il jure ses grands dieux qu'il ne connaît que nous qui venions en tribu.
Chez la gynéco, on va en couple. D'abord parce que ce n'est pas à côté de la porte mais surtout parce que cela permet à l'Homme de la voir. Ce n'était pas une amie au départ, elle l'est devenue.
C'est elle qui m'a rendu l'espoir d'avoir des enfants, quand je n'y croyais plus, c'est elle qui les a mis au monde dans la douceur la plus totale, c'est elle qui vous caresse la joue quand vous avez bien travaillé. Elle est la douceur personnifiée, elle a toujours deux heures de retard dans son planning de rendez-vous parce qu'elle double systématiquement son temps de consultation avec ses patientes mais elles sont toutes prêtes à patienter deux ou trois heures s'il le faut plutôt que de changer. Personne ne veut renoncer à cette douceur si rassurante. On doit donc être des centaines à se retrouver démunies. Perdues sans la "maman" des mamans.
J'ai hurlé de rire aux premières lignes, puis l'émotion m'a saisie à la gorge... Merci Myo (à très bientôt :-)
Rédigé par : delphine | 20 août 2010 à 19:02
Quel joli billet :-)
Rédigé par : isa | 20 août 2010 à 21:05
quel hommage... très tendre billet.
Rédigé par : Emmanuelle | 21 août 2010 à 21:21
Pour ce qui est de trnsformer la relation "patient medecin" en relation d'amitié, je te comprends parfaitement, je suis pareille ! je suis d'une indécrottable fidélité. et ce qui est génial, c'est de bénéficier, de cette façon, d'une relation de parfaite confiance.
mais pour le coup de la tribu, qui se déplace avec toi, par contre je ne pratique pas, et ne l'ai jamais fait, car mon mari, lui n'a jamais été très communicant. c'est sûr que remplir le cabinet avec toute la famille, pour une simple carie, ça doit marquer son dentiste !
Rédigé par : salpiglossis | 26 août 2010 à 20:43