Ces dernières semaines, la Belgique a vécu ce qu'on appelle des événements traumatisants: fin janvier, l'explosion d'un immeuble puis son effondrement plus tard alors que les pompiers essayaient d'extraire deux survivants (12 victimes) et lundi dernier, une terrible collision entre deux trains à l'heure de pointe (18 morts et d'innombrables blessés). Lors de ce type de drame, je suis toujours perplexe quant aux sentiments mélangés qui m'habitent.
J'apprends les infos au réveil et me les fais marteler en boucle jusqu'à l'arrivée au boulot. Dans le cas de drame comme ces deux derniers, je me sens à la fois très proche de ceux qui souffrent de la perte d'un ou plusieurs proches, comme souvent et comme beaucoup, je me projette, je me mets à leur place et je compatis comme pour n'importe quelle personne qui perdrait un proche dans un accident moins spectaculaire, moins médiatisé comme un accident de la route, une chute dans l'escalier ou une longue et pénible maladie.
Mais dans le même temps, je lutte contre le besoin de voir, m'imprégner de l'horreur, comme ces automobilistes qui ralentissent pour mieux regarder l'accident et créent de facto un bouchon. Je n'ai pas la télé et je ne suis donc pas inondée d'images mais par contre, j'ai la souris quasi greffée à la main et le clic facile. Pour "voir", je dois "vouloir voir". Et je dois vraiment m'efforcer de ne pas googler-cliquer en vilaine voyeuse. Voire de chercher des informations supplémentaires, des détails totalement inutiles (je ne suis pas enquêteur, les détails ne me regardent et ne changent rien au drame). Je n'y arrive pas toujours. Et je m'en veux.
De la même manière, je me déteste de cette façon malsaine de "m'approprier" les victimes. Sur les 18 malheureux disparus dans l'accident de train, deux étaient père et fils d'une collègue de l'Homme, trois travaillaient dans la même institution que moi mais je ne les connaissais pas. Et un serpent en moi fait les comptes "j'en connaissais cinq !"et je me sens "à plaindre". Mais de quel droit ?
Mais d'où me viennent ces horribles pensées parasites qui semblent remonter d'un tréfonds passablement marécageux et nauséabond ?
Est-ce que ça vous arrive à vous de ces pensées et de ces comportements inavouables ?