Voilà un mois que Papy nous a quittés. Et la vie n'a pas vraiment changé. Et cela me dérange.
Oh bien sûr, quand on va chez lui, on ne peut pas regarder sa photo, son fauteuil, ses pipes, sa chaise, sans sentir son coeur se serrer. Bien sûr, on refoule les larmes qui montent aux yeux. Mais tout le monde joue le jeu du sourire et du "tout va bien" pour les autres. Eviter à tout prix de faire pleurer l'autre en se laissant un peu aller. Et c'est peut-être là que le bât blesse. Ne devrions-nous pas justement pleurer pour donner le droit à l'autre de se laisser aller par contagion à un peu de relâchement du self control permanent ?
D'autre part, il y a quelque chose de choquant à cette fausse jovialité permanente. Comme si nous l'avions déjà oublié. Je sais que ce n'est pas vrai. Je sais qu'il ne sert à rien de revenir aux temps - pas si anciens pourtant - où le deuil, le vrai, durait 3 mois, 6 mois, un an ou deux ans selon le degré de parenté (d'importance) du disparu (pour l'anecdote, un an pour les veufs, deux ans pour les veuves, grrrr). Mais pourtant....
Je vis des sentiments confus. Un vague sentiment de culpabilité de ne pas y penser à tous les instants, comme si je trahissais Papy, comme si, si je n'y pense pas tout le temps, il va définitivement sombrer dans l'oubli. Un vague sentiment de vanité en pensant que si on ne pleure pas en permanence un être aimé, on ne me pleurera pas plus et "est-ce donc tout ce que l'on est ? On ne vaut pas plus que ça ?". Un vague sentiment de colère encore, de déni, de pensée magique ("tout ceci n'est qu'un cauchemar, demain il reviendra").
Le plein quotidien n'a pas vraiment changé, c'est vrai, le tourbillon boulot-metro-dodo a repris. Et pourtant, au détour d'une photo, d'un dessin sur la cheminée, on se prend son regard en plein coeur et les mâchoires se crispent.
Après tout, peut-être dois-je arrêter de me poser des questions et vivre pleinement cette présence différente.....