La femme d'Arlequin de Jean-Claude Sismeiro
Je ne vais pas vous parler de la trilogie sulfureuse qui a beaucoup fait parler d'elle cet été.
Non, le gris est ma couleur. Du moins aux dires de l'homme que j'aime. Lui qui est noir et blanc, noir ou blanc mais jamais gris. Ce Pierrot se trompe. Je suis Arlequine, de toutes les couleurs. Mais pour lui c'est pareil, ce n'est pas acceptable.
Il fait partie de ceux qui ne peuvent pas exprimer leur désaccord avec l'une ou l'autre opinion exprimée sans attaquer. Moi non, j'aurais plutôt tendance à me replier dans le silence et à ne pas communiquer mon point de vue. Pour ne pas déplaire ? Certainement un peu. Pour ne pas confronter l'autre ? Probablement aussi. Une sorte de courtoisie mal placée. Par manque d'arguments suffisants ? Oui, aussi, surtout. Souvent, je peste de ne pas avoir sous le coude un dossier bien ficelé, les réparties toutes prêtes, les éléments de réponse bien classés et structurés dans les tiroirs de mon cerveau. Enfin, parfois, souvent même, je renonce à débattre, à tenter de persuader des bas de plafond qui sont généralement tellement convaincus du bien-fondé de leurs assertions bien assenées.
Mais l'homme, non. Se taire serait cautionner les propos de l'autre. Sacrilège. Il en va de son honneur. Et j'admire sa ténacité quand il s'agit de défendre les valeurs particulières au respect d'autrui. Mais quand il s'en-va-t'en guerre pour défendre un point de vue tout aussi valable que celui de son interlocuteur - mais pas à ses yeux, bien entendu -, je ne le suis plus.
Dans les dîners, entre amis ou non, il peut devenir odieux. Jeter des éclairs de ses yeux furibonds, fulminer, tonner comme un orage. En général, il plombe assez rapidement l'atmosphère. Et je n'aime pas l'orage quand je ne suis pas chez moi.
Mais plus que la colère ressentie face à ces éclats, c'est ce qu'il pense de moi et de mes cinquante nuances de gris qui m'attriste le plus. Pour un homme couleur d'échiquier, la dame de son coeur se doit d'être noire ou blanche et quand ce fou monte dans les tours, elle se doit de ne pas mettre son roi en échec. Il trouverait même cela plutôt cavalier. Et moi, je ne peux pas vivre autrement qu'entre gris clair et gris foncé. Et pour lui, c'est un peu comme une trahison envers les valeurs auxquelles il croit et auxquelles il croit que je ne crois pas....